Je m'approche d'elle prudemment, et un peu effrayée aussi. Elle est assise sur des marches et tient sa tête entre ses poings. Je me lance, presque sûre que cet élan de compassion va me valoir une patate dans la gueule."Tout va bien Karine?"
Elle relève la tête brusquement sous l'effet de la surprise et me scrute sans comprendre, son éternel air mauvais collé sur le visage.
"Excuse-moi, question conne. Écoute je sais que je suis probablement la dernière personne à qui tu voudrais parler, mais les galères de famille je connais alors si tu veux..."
"T'as écouté?!"
Son ton agressif me brusque, et je répond sur la défensive:
"Ben j'appellerai pas ça écouter vu que t'as crié. On t'a entendu jusqu'au Japon la."
Je regrette les mots et m'attend à la voir me sauter au cou à tout instant, mais il n'en est pas ainsi.
Elle soupire, subitement lasse, et pose sa tête contre le mur derrière elle.Le truc, c'est que je sais qu'elle a pas beaucoup d'amis, du moins pas au lycée. Et même au club, je ne l'ai vu rester qu'avec un mec à l'allure louche, c'est tout. Donc ses emmerdes, y'a moyen qu'elle ne les garde que pour elle.
En même temps, qu'est ce que j'en ai à faire? Je me suis faite exclure par sa faute après qu'elle ai fait une remarque odieuse sur ma famille, elle m'a humilié devant tout le club à mon premier jour et depuis entretiens des rapports que je qualifierais de froids à glacials... Elle n'est pas quelqu'un que je porte dans mon cœur. Alors est-ce vraiment à moi de faire ça? L'aurait- elle fait, dans le cas contraire?
Elle interromps mon monologue intérieur avant que je ne puisse prendre quelque décision que ce soit:"On te voit plus au club toi."
"Heuh... Ouais. Je sais pas si je vais reprendre."
"Pourquoi?"
Sa question me surprend. Sa voix grave est éraillée, probablement à cause des cris, et exprime une fatigue immense que je n'aurais pas devinée chez elle.
"Ben Heuh... Je suis pas sure d'adhérer au principe du truc. Au départ je suis venue pour apprendre à me contrôler, et je pensais que c'était à ça que ça servait tout ces entraînements, ces combats organisés. A canaliser la haine, ce genre de choses. Mais j'ai vu plus de violence là-bas que nulle part ailleurs, et elle était loin d'être canalisée. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire."
"Ouais je vois."
"Ça me manque de plus rentrer ko de l'entraînement. Mais les embrouilles à n'en plus finir, pas tellement."
On reste un moment silencieuses, puis Karine prend la parole:
"Tu sais t'as tord si tu penses que le club aide pas les gars qui y sont. Mehdi, le mec avec qui je traine, il y est depuis longtemps maintenant, et il m'a dit que pratiquement tous sont mille fois plus équilibrés que quand ils sont arrivés. Que les gars du début, c'était des putains de psychopathes par rapport à maintenant. C'est le coach qui les as aidés. D'ailleurs c'est comme ça qu'il décide ou non si tu peux intégrer le club, et c'est à ça que sert le combat d'essai. Tu l'as bien vu, c'est pas la victoire qui détermine, c'est s'il voit que si tu veux apprendre à te battre, c'est pas pour faire le beau devant tes potes mais parce que si tu le fais pas t'as l'impression que tu vas exploser. Et pour ça, t'as besoin du club."
Je reste sur le cul, et avant que j'ai le temps de réfléchir à ses mots, elle reprend:
"Je sais que tu dis ça par rapport au combat de Seth et Anthony, la dernière fois. Je le connais pas hein, je juge pas, mais d'après Mehdi, Anthony il est vraiment fou. Je te conseille de garder tes distances."
Décidément, il a pas la côté le Antho.
"Putain..."
Alors comme ça, le coach a vu la bête en moi, ou du moins l'a sentie. Ça me fait un drôle d'effet d'avoir été percée à jour, mais il fallait s'y attendre. Les yeux perçants du coach voient même ce qui n'a pas de formes, ce qui n'a pas de nom. Plus le temps passe, et plus le mystère autour du papi deter m'intrigue.
Quant à Anthony, je l'avais deviné. Un éclat sauvage dans ses yeux, sa manière de rire, de se battre...j'avais entraperçu ce qu'il était, et me le voyait confirmé. Mais devais-je pour autant le fuir comme la peste? Allait-il forcément pour autant me blesser?"Alors toi non plus du coup, t'as pas la lumière à tous les étages!"dis après un moment avec un sourire histoire de détendre l'atmosphère.
J'eu le heurtais d'abord à son visage fermé, puis elle esquissa un sourire en coin. Wow, elle avait presque l'air simpa.
"Et non, mais bon tu le savais un peu déjà!"
Je lui souris en retour. Quelle situation étrange.
Elle se leva, remis correctement son large sweat à capuche et ajusta son survet."Bon, je vais rentrer moi. À plus!"
Elle me gratifia d'un nouveau sourire timide auquel je répondis, puis parti les mains dans les poches.
Elle ne m'avait finalement pas confié ce qui n'allait pas, mais je sentais qu'elle était partie le cœur un peu plus léger. Moi aussi je me sentais bien. Pour une fois que j'arrangeais les choses au lieu de les empirer!
Karine m'intriguais. J'avais découvert une nouvelle facette d'elle, plus sensible et posée, qui me plaisait je crois. Comme quoi, tout peut arriver. J'allais peut être devoir reconsidérer le statut de Face de viande.
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Anger my dear friend
Teen FictionÀ 17 ans, gérer ses émotions est loin d'être une chose simple. Kara se laisse de plus en plus souvent envahir par la colère et la violence qui font rage en elle, et pour combattre ça elle a trouvé une solution: Boxing Club. Elle va entrer dans l'uni...