Chapitre 8

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"Hé, t'aurais pas de quoi fumer?"

C'est le fameux Anthony qui a parlé.

"Non"

"Tiens, mais t'es celle qui vient de prendre un K.O!"

Je lui offre mon regard le plus haineux. Il ne semble pas s'y attarder.

"Haha elle t'as lâché une patate Karine, t'as tête elle a fait trois tours!"

"Ouais c'est vrai que c'est plutôt hilarant! On a dû trop te cogner dessus pour que tu sois aussi con, c'est pas possible..."

Il rit encore de ce rire animalier qui m'obsède, l'air de s'en foutre de tout, et tout particulièrement de moi.

"Et comment tu t'appelles déjà? Si j'arrive à piquer à Seth sa copine je l'achève c'est sur"

Mais... Pourquoi me le dire? Ce gars ne fait preuve d'aucun bon sens. Moi qui aie pour habitude de cerner les gens rapidement, il me dépasse complètement. Je le devine violent, blessé, un peu fou peut être. Mais surtout, imprévisible.
Il me regarde, un peu trop longtemps à mon goût.

"Seth n'es pas mon copain, et toi t'es aussi attirant qu'un arbre, donc c'est mort."

Il esquisse un grand sourire, l'air sournois.

"Je sais ce que t'as."

Je le regarde sans comprendre. Ce que j'ai?

"C'est pas tant les coups qui te font mal, c'est ta fierté qui saigne"

Je fais mine de ne pas être troublée par ses paroles, mais c'est le cas. Sous ses airs indifférents, il est très attentif.

"Ça n'a jamais fait du bien à personne de perdre que je sache"

"C'est sur. Mais pour toi c'est pire que ça"

"Quoi, t'as jamais perdu toi peut être?"

"Jamais. J'ai du sang des dieux dans les veines, celui des vainqueurs, personne ne peut me battre!!J'suis pas comme toi haha!"

"Des dieux, rien que ça? Et t'es le fils caché d'Obama aussi nan? Redescend un peu, tu pars loin la."

Il rit, et je me joint à lui. On continue le chemin ensemble, parlant peu mais le silence ne nous gêne ni l'un ni l'autre. On se sépare à l'embranchement de deux routes, s'adressant un regard qui remplace les mots.
Sur le chemin du retour, j'ai le temps de repasser dans ma tête les événements de la matinée en boucle. Mais les bleus et les bosses me tirent de mes rêveries. Tout ce que je souhaite c'est aller chez Sarah et me prendre un bon bain chaud. Cette vision, à cet instant précis, est à l'image du paradis.

Après de longues minutes je finis par enfin arriver chez elle - presque en rampant c'est pour vous dire. Je monte les escaliers marche par marche, me tiens au mur en marmonnant des jurons comme si j'avais soixante ans de plus, et, par un miracle providentiel, je finis par atteindre la porte de l'appartement. Hallelujah.

"Kara? C'est toi?"

"Oui! T'es rentrée du lycée?"

"Oui, prof absent, j'ai l'aprem' de libre! T'étais passée où? Je t'ai appelé une dizaine de fois!"

Qu'est ce que je vous avez dis. Évidemment qu'elle avait embobiné son prof jusqu'à ce qu'il lui rende son portable, cette fille n'abandonnait jamais quand elle avait une idée en tête.

"Je suis sortie prendre l'air"

"Putain mais tu saignes! Qu'est ce qu'il s'est passé?!"

Merde. J'avais complètement oublié que j'étais pas au top de ma forme, et que les séquelles du combats était probablement visibles.

"Un scooter est passé super près de moi et m'a fait tomber. C'est moche à ce point?"

"C'est vraiment tous des cons dans cette ville! Attends moi la, je vais chercher de quoi te réparer la gueule!"

Je souris en voyant mon amie survoltée courir vers la salle de bain, un adorable petit air résigné collé sur le visage. Pfff... Je suis bonne pour l'entendre jacasser toute l'après midi sur la mauvaise conduite des automobilistes en ville...

Et c'est ce qu'elle fit, jusqu'à ce que je trouve le moyen de la faire taire en nous mettant un film. Ce fut un moment parfait de simplicité et d'amitié, et j'en oubliais vite le mensonge que je lui avait raconté, relégué dans un coin sombre de ma mémoire.
Le soir venu, j'envoie un message à mon père, l'informant froidement que je dors chez Sarah. Il m'appelle plusieurs fois, appels auxquels je ne répond pas.
C'est aux alentours de minuit que Seth refait apparition. Nous avons mangé et les parents de Sarah sont couchés, il fait vraiment comme chez lui! Il va directement dans sa chambre, et j'en suis presque soulagée. J'ai pour ma part décidé de faire comme si de rien n'était. Mais monsieur n'était apparemment pas de cet avis la.
Lorsque vers une heure Sarah éteint l'ordinateur et pars se coucher, je décide de m'installer sur le balcon, face à la nuit et ses étoiles, et m'allume une cigarette. C'est comme un rituel pour moi. Lorsqu'il me rejoint, mon cœur s'emballe. Il m'emprunte mon feu et joint la fumée de sa cigarette à la mienne. Tout était calme autour de nous, mais il brisa le silence sans aucune hésitation.

"Alors, tu t'es décidée?"

"Décidée à quoi?"

Évidemment je sais de quoi il parle, mais je n'ai aucune envie de répondre.

"À porter tes couilles"

"Sale con."

"Je sais."

Je lui décoche un coup de poing dans l'épaule, qui lui fit autant d'effet qu'un courant d'air. Sale con. Et pourtant...

"On se connaît depuis quoi, deux jours? J'ai l'impression que ça fait beaucoup plus"

Il me regarde et me sourit. Putain ce sourire...

"Ouais c'est vrai. Tu ne m'as toujours pas répondu au fait."

"Je sais pas, laisse moi un peu de temps. Je ne suis toujours pas certaine de vouloir ressembler à un body builder..."

"Mais si, c'est sexy les filles musclées. Et puis t'inquiètes ça ne se verra pas."

Quelque part dans mon cerveau, une alarme se déclenche. Toujours fuir les prédateurs pas vrai?

"Bon, je vais me coucher moi, je suis morte"

"Bonne nuit Kara."

Quelle conne je fais.

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant