Chapitre 12

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Ça fait maintenant quelques jours que cela dure. Je vais au lycée la journée, dès que les cours sont terminés je me précipite au Boxing club et m'entraîne pour pouvoir prendre ma revanche sur Karine.
J'ai fait connaissance avec une bonne partie des mecs là-bas. Il y a Fred, un tatoueur de 35 dont la quasi-totalité des dents est en plomb. Il a beau faire peur avec son aigle d'encre dessiné sur le visage, il est d'une gentillesse extrême -avec moi du moins- et il m'enseigne à tirer partie de ma vitesse pour pouvoir esquiver avec plus d'efficacité. Il y a également Francky et Grégoire qui sont frères je crois, ils ne parlent pas beaucoup et semblent assez réservés. Mais je crois qu'ils m'aiment bien parce qu'ils me gratifient toujours d'un sourire lorsqu'ils me voit. Ensuite il y a Jacques, il est l'un des plus anciens et se prend donc pour une sorte de professeur mais la seule chose qu'il arrive à faire c'est s'attirer des ennuis avec les autres; Patrick, Alex et Neil sont des potes de Seth qui ont entre 18 et 20 ans, tous sont des gars avec des problèmes mais si n'en sont pas moins très drôles. Et enfin Jeff, qui est le bras droit du coach et tient les comptes - il est trop âgé pour les combats à présent-. J'ai fait sa rencontre au cour précédent, alors que Seth me malmenait sur le ring. Il c'est arrêté à côté de nous et m'a dit de venir le voir. Je me suis exécutée, surprise que l'un des anciens m'adresse la parole par lui-même, d'habitude ils avaient des réticences du fait que je sois une fille, leurs têtes étant bourrées de stéréotypes poussiéreux. Mais pas lui. Il m'a donné des conseils pour rectifier ma position, et m'a confié les failles de Seth qu'il me fallait exploiter, à savoir tout d'abord qu'il était trop sur de lui. Puis il m'avait adressé un sourire et avait prononcé cette phrase qui m'avait emplit de joie: "Ça manquait cruellement d'une présence féminine par ici, c'est bien pour ces têtes de nœuds que vous soyez là, jeune fille, vous avez la capacité de leur remettre les idées en place"
Il n'avait pas mentionné Karine, et ça rendait ses paroles deux fois plus précieuses à mes yeux.
En parlant de Karine, ma revanche contre elle me préoccupait beaucoup. La colère que j'avais ressenti sur le moment m'avait déserté, et ne restait à présent que mes aptitudes qui pour l'instant laissaient à désirer. Seth avait beau y mettre toute sa bonne volonté, je ne me battait apparemment bien que lorsque j'avais la haine. Hors, je n'avais pas la haine sur commande. Tout ça était donc problématique car Karine, elle, continuait de s'entraîner férocement dans son coin - et avec un gars louche dont je préférais rester éloignée.
Mais je ne me décourageais pas: après l'entraînement au club, je continuait chez moi sur mon punching ball -dont on m'avait appris à me servir convenablement- et ce jusqu'à ce que je n'en puisse plus. Mon père se renfrognait, il pensait qu'à travers ce sac c'était lui que je cognais. Il n'avait peut être pas tout à fait tord. Quand a nos rapports, ils avaient évolué en quelque chose que je nommais personnellement la Seconde Guerre Froide, basée sur l'espionnage, les tensions, les mensonges et une certaine froideur -ou plutôt une froideur certaine- l'un envers l'autre. Mais tant que je faisais mes devoirs correctement, allais en cours et ne me faisais pas renvoyer, il ne pouvait rien me dire. Je savais qu'il n'allait pas bien en ce moment, qu'il se sentait seul et ne savait plus quoi faire, mais par fierté et ego blessé je ne tentais rien pour alléger la peine de mon paternel.

"Emma, à table!"

"J'arrive."

J'enlève mes nouveaux gants flambants neufs et descend l'escalier. La table est mise, je m'installe donc face à mon père dont l'air est aussi lugubre que d'habitude et me sers.

-T'étais encore en train de taper dans ce fichu sac? Si au moins tu t'occupais en faisant quelque cuise qui ait un sens...

-Ça n'en a peut être pas pour toi mais pour moi oui, d'accord?

-Baisse d'un ton, pas la peine de monter sur tes grands chevaux!

-Pardon? Mais c'est toi qui me fais des reproches et tu t'étonnes lorsque je me défend, ça n'a pas de sens!

-Oh, quoique je dise de toute façon je suis à côté de la plaque en ce moment avec toi Emma! Remet-toi un peu en question aussi!

Je m'apprête à répliquer vivement, les joues échauffées par la colère, mais il me coupe:

-Écoute j'ai pas envie de me battre ce soir. Qu'est ce que se passe Emma, pourquoi on est incapables de se parler sans finir sur un désaccord? J'aimerais que tu me parles, comme tu le faisais avant. J'ai l'impression que ça date d'une autre vie...

Ses mots me touchent en plein cœur et je reste quelques instants sous le choc, ne sachant pas quoi répondre à ses mots désarmants, même d'avantage que les mots durs que nous nous adressons d'ordinaire. Évidemment que notre ancienne complicité me manque à moi aussi, notre petite famille à deux, plus forts que tous et en tout temps. Mais tout ça semble si loin...

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant