Chapitre 9

188 9 0
                                    


J'émerge doucement du sommeil, la tête calme et reposée. C'est un sentiment nouveau pour moi, pour qui les nuits sont si agitées qu'elles finissent par ressembler à de véritables affrontements. Pour la première fois depuis des années, j'ai dormi sans faire de cauchemars; sans me réveiller, sans insomnies interminables. C'est tellement agréable que j'ai envie de me rendormir. Mais Sarah n'est pas de cet avis.

"Ça y est, la belle au bois dormant à enfin refait surface! Bon timing connasse, tu viens de me gâcher la joie de pouvoir te sauter dessus pour te reveiller!"

"J'ai pas le temps pour tes conneries, j'ai passé la meilleure nuit de ma vie!"

"Bah ouais j'ai vu! Tu sais pourquoi?"

Immédiatement je pense à ma journée d'hier. Effectivement, j'étais complètement épuisée quand je suis rentrée, autant mentalement que physiquement. Je dois donc ce miracle à mon combat de boxe.

Nous allons prendre notre petit déjeuné en compagnie du père de Sarah et de Seth, la mère de mon amie étant déjà partie. Je m'installe au côté Seth et lui lance un "salut" enjoué. Voilà un second miracle: je suis de bonne humeur le matin.
Un peu après Sarah nous laisse pour aller en cour. Mon téléphone sonne, mais lorsque "papa" s'affiche à l'écran je renonce à répondre. Seth me regarde d'un air suspicieux et demande:

"Pourquoi tu vas pas en cours toi? D'ailleurs hier non plus tu n'y est pas allée, je viens de capter"

"Virée à cause de Karine"

"Ah oui? Tiens donc, c'était une belle coïncidence hier alors, et ça explique pourquoi vous vous connaissez. Je me rappelle maintenant que vous en aviez parlé à la soirée la dernière fois, mais j'avais pas fait le rapprochement. Mais t'inquiètes  pas, quelques entraînements et je suis sûre que tu pourras lui rendre la pareille."

"Je me rappelle pas t'avoir dit que j'avais pris une décision concernant le club."

Il se renfrogne légèrement, haussant les épaules.

"En tout cas, moi je vais y aller la. Donc décide-toi."

Je le regarde les yeux ronds. Ça n'est pas en me mettant la pression qu'il obtiendra quoi que ce soit de moi.

"C'est fait. Tu peux partir je ne te retiens pas."

Je maintiens son regard, et il n'insiste pas.

"Comme tu veux Kara"

"D'ailleurs, tu ne vas jamais bosser ou quoi?"

"Si mais j'ai la matinée libre aujourd'hui. Te fais pas de soucis"

"Loin de moi cette idée"je répond en lui lançais un sourire narquois.

Il me sourit, prend son sac et sors de l'appartement, me laissant désespérément désœuvrée et désespérément seule. J'allume la télé et l'éteins quelques minutes après, affligée par la débilité des programmes. Ça me fait penser que malgres mes deux jours d'exclusion, j'ai quand même des devoirs à faire pour le lendemain. Mon père étant au travail à cette heure ci, j'ai du temps devant moi avant de devoir l'affronter à nouveau. Mue par un élan d'énergie, j'attrape ma veste et retourne chez moi.

Il est midi, j'ai bouclé mes devoirs, et ma tête bourdonne de théorèmes de maths, de X et de Y. Il n'y a qu'une chose au monde qui puisse changer ça. Je mets mes écouteurs, de la musique, et commence à danser dans ma chambre. En un instant je suis transportée dans une dimension parallèle, loin du monde réel et sa folie. Je suis seule sur Terre, la musique coule dans mes veines. Mes mouvements, probablement maladroits, m'apparaissent gracieux, d'une beauté presque irréelle, simplement parce que je les ressens au plus profond de moi - et accessoirement parce que j'ai les yeux fermés. Que demander de plus?
Combien de temps suis restée là à danser? Je ne saurais répondre. Je me souviens cependant parfaitement de la panique que j'ai ressenti lorsque qu'une voix grave s'est soudainement faite entendre dans mon dos. Cela revient à réveiller une personne endormie en criant. Je me retourne donc en sursaut vers mon père, qui me fixe d'un air qu'il veut impassible. Je ne le pensais rentré avant ce soir, mais apparemment j'avais tord.

"T'es là depuis longtemps?"

"Où étais-tu hier soir?"

Le ton glacial de sa voix me retiens de faire une remarque sur son dédain royal de ma question.

"Chez Sarah."

"Qu'est ce que qu'il t'as pris de ne pas répondre au téléphone? Je n'avais aucun endroit de l'endroit où tu étais et toi tu fais l'enfant à ne pas répondre!"

"Tu serais venu me chercher et j'en avais envie, c'est tout"

"C'est tout? Ah oui, c'est tout pour toi? C'est loin de l'être pour moi en tout cas, n'espère pas avoir le droit de faire quoique ce soit dans les semaines qui suivent, tu es officiellement punie."

"Génial. Bon, je sors."

Je dévale les escaliers, serrant les poings pour me contenir. Je l'entend dan mon dos demander ou je vais, mais je ne répond pas et claque la porte.
Inspire, expire... Inspire, expire... Ni les caresses du vent sur mon visage ni cet exercice stupide ne peuvent me calmer. "Tu es officiellement punie". Il me prend une gosse ou quoi? Mes mains tremblent. Je me met à courir. Faire le vide, lâcher prise... Le monstre dans mon ventre remue, comme toujours. Est-ce normal de se mettre dans un tel état? Je pense que non, mais je n'ai jamais su gérer mes émotions, les bonnes comme les mauvaises. J'ai beau courir, mon rythme cardiaque n'est pas décidé à me calmer. Je m'arrête, les larmes aux yeux, et frappe dans un mur en criant.
Et je trouve enfin la réponse. Elle m'apparaît claire, simple, presque naturelle. Je me demande pourquoi je ne m'en suis aperçue plus tôt. Mon salut se trouve dans deux mots: Boxing Club.

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant