Chapitre 13

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Un silence douloureux s'est installé entre mon père et moi, et c'est mon tour de parler. Moi qui d'ordinaire trouve toujours quelque chose à répliquer quelque soit la situation me retrouve à court de mots.

-Je... Je sais pas vraiment je...

J'inspire fortement, vaine tentative pour contrôler les tremblements de ma voix.
Il soupire tristement et commence à ranger la vaisselle. Et je fais de même, la tête encombrée de pensées trop nombreuses.

Je me réveille le lendemain de mauvaise humeur, avec cette pesanteur sur la poitrine qui me dit que je vais passer une mauvaise journée. Je m'habille rapidement et descend déjeuner. Mon père est déjà parti, mais je me dois d'ignorer le pincement au cœur occasionné par cette absence. Je mange en vitesse et file au lycée.

La matinée est enfin terminée. Mon humeur est toujours au plus bas, et ça doit se lire sur mon visage car Loli vient vers moi avec une expression penaude affichée sur le visage. Elle me dévisage et m'adresse un sourire, avant de me demander ce qu'il y a.

"Y a pas vraiment de raison. Y a des jours comme ça..."

"Oui, faut faire avec! Allez viens, on rejoins Sarah à la pizzeria"

Je la suis jusqu'à la pizzeria, et je n'ai besoin que de quelques secondes pour voir à l'expression fermée de Sarah qu'elle fait la gueule pour une raison ou une autre. Génial.
Je m'installe en silence, attendant que cette dernière s'exprime par elle-même, mais elle se contente de me jeter un regard désapprobateur dont elle détient le secret, et qui a le don de m'énerver.

"Quoi? Qu'est ce qu'il y a?"

Loli adresse un regard suppliant à Sarah, car on sait toute les deux les conséquences probables du flot de paroles qui risque de suivre. Et sûrement également car Sarah lui a expliqué avant le sujet de sa colère envers moi.
Mais comme toujours Sarah se lance sans hésiter une seconde.

"Bah je sais pas! Qu'est-ce qui va pas à ton avis? Honnêtement ça fait une semaine que je me contiens de tout lâcher, mais ça tu le saurais peut être si on te voyait plus souvent! Parce que je sais pas si t'as remarqué, mais nous n'avons l'honneur de voir Madame que de temps en temps le midi! Tu te rends compte que même mon cousin te vois plus que nous? Ça te parrait normal? Moi la boxe je trouve ça bien joli, en attendant nous tous les soirs on est chez moi avec Loli, à ce demander si tu vas ramener ton cul ou si tu es trop occupée à te battre avec Seth! Au premier mec venu tu nous oublies en fait! "

Cette journée devient décidément de pire en pire.

"Vous oublier? Mais ça n'a rien à voir! J'ai enfin trouvé quelque chose qui pourrait régler mes problèmes de colère et m'aider à dormir, désolée si pour pouvoir aller mieux j'ai blessé l'ego de mademoiselle!"

"À parce que t'as l'impression d'aller mieux? À te voir aujourd'hui j'ai l'impression que tu te mets toujours autant en colère qu'avant, t'as juste gagné des bleus sur le visage que même avec du maquillage je peux voir! Et à titre d'information, dans le cas de Seth ce club l'a encouragé vers la voie des problèmes!"

"Tu sais quoi c'est même pas la peine de discuter. Si parce que je ne viens plus tous les soirs chez toi tu as l'impression que je t'oublies, et ben t'en pis. En attendant ne parle pas au nom de Loli, elle elle a peut être compris que ma relation avec vous reste la même, que j'ai juste besoin d'organiser mon temps. "

Elle me toise, le visage rouge de colère.
Loli nous demande fermement de nous calmer, elle d'habitude si douce. On reste quelques secondes à s'observer toutes les trois et je décide de sortir.
Pratiquement toutes les disputes que notre groupe a connu étaient entre Sarah et moi, je pense tristement.

Je suis tellement remontée que je décide de sécher l'après-midi de cours et d'aller directement au Boxing club. J'ai besoin d'évacuer d'urgence tout ces sentiments que je ne contrôle pas. Je marche d'un pas vif dans ces rues que je connais désormais sur le bout des doigts. J'entre dans le hangar la tête en fusion. C'est fou l'effet qu'une simple dispute peut avoir sur moi, je suis littéralement sur le point d'exploser.
Chose inattendue, Seth est là. Il mange un sandwich avec ses amis et affiche un visage surpris lorsqu'il m'aperçoit. Je l'ignore et me dirige prestement vers un sac pour m'y défouler. Mais après quelques instants, je sens une présence derrière moi.

"Qu'est ce que tu fais là" me demande Seth

Les paroles de Sarah concernant l'effet du Boxing Club sur Seth tournoient frénétiquement dans ma tête.

"Je peux te retourner la question! Tu me prend vraiment pour une conne quand tu me dis que tu bosses, et je comprend pas pourquoi tu me mens. T'es là toute la journée! Je suis curieuse de savoir d'où vient l'argent que tu ramènes chaque soir!" sifflais-je entre deux coup de poings dans le sac.

Je sens son corps se figer à côté de moi et je regrette mes paroles. Mais il est trop tard.
Il acquiesce plusieurs fois avec un absent et empreint d'une colère froide, les lèvres pincées et le regard plus tranchant que jamais.
Putain, je savais que cette journée serait merdique.

Vidée autant moralement que physiquement, je m'arrête. Je me souviens alors que j'ai dans mon sac une partie de la somme que je dois au coach pour m'être inscrite, que j'ai économisée avec amour pendant des semaines. J'ignore froidement la bande de Seth et vais au bureau du coach, petite pièce sombre et lugubre.
Je déboule dans la pièce, trop plongée dans mes pensées pour remarquer que je dérange une conversation animée entre Anthony et le coach. Je m'immobilise immédiatement, rouge de honte et mal à l'aise. J'ajoute ensuite maladroitement au coach que c'est pour lui régler une partie de la somme. Il jette un regard lourd à Anthony, qui me regarde sans son sourire de psychopathe habituel collé au visage pour une fois, qui dirige à nouveau son attention vers moi. Je sors les billets de ma poche et les lui tend. Il les saisit, me remercie et alors que je m'apprête à sortir je le vois.

C'est impossible.

Mon corps se glace mais une traînée de feu me brûle la gorge. C'est tout simplement impossible. Comment? Les deux hommes m'observent, surpris, ne comprenant pas ce qui se passe. Mais mon regard ne peut se détacher de la photo accrochée au mur décrépi derrière le bureau du coach. Et plus particulièrement, il ne peut se détacher du visage souriant de mon frère, Kaleb, à côté d'un garçon qui semble être Anthony, du coach et de de nombreux autres hommes à côté d'un ring que je connais trop bien.
Mon frère faisait partie du Boxing club.

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant