9 - Phœbe : Your fault

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Mon pull resserré contre mon cœur, j'avance la tête haute tandis que je talonne les filles pour rentrer à la maison. Mon pas est machinal, c'est à peine si je sais où nous sommes. Je ne peux penser à rien d'autre qu'au regard glacial de Connor. Seul le poids de mon livre, enfoncé dans le tote bag qui pend sur mon épaule, me rattache au réel. Je n'arrive pas à croire que j'ai fait ça. Je n'ai pas simplement pu lui agiter ma fausse relation avec John devant son nez, si ? Il y a deux jours, ce soir-là, je n'aurais jamais pensé que ce mensonge lui ferait autant d'effet — après tout, il prend grand soin de m'éviter depuis plusieurs semaines, et ce, chaque été depuis deux ans. J'ai toujours prétendu que cela ne me faisait rien ; mais voilà que j'ai délibérément cherché à l'énerver... Je ne me reconnais plus. Et en même temps, me susurre une voix intérieure. Pourquoi s'énerve-t-il ?

Fallen et Kaia discutent gaiement devant, aveugles à ma détresse silencieuse. Elles, au moins, ont passé une bonne soirée. Une once de soulagement me traverse à ce constat ; j'ai bien cru avoir ruiné l'ambiance. La tournure glacée qu'a prise la conversation pendant l'action ou vérité m'a ôté toute bonne humeur. Mon échange avec Connor repasse dans ma tête comme un disque rayé, et la culpabilité me serre la gorge. La Française, Éléonore, n'a pas manqué notre tête-à-tête aiguisé. J'ai senti son regard sur moi toute la soirée — et je n'ai pas manqué de voir comment elle regardait Connor, aussi. Le trouve-t-elle attirant ? Et Connor, que pense-t-il d'elle ? Il a été si tactile, si avenant. Beauté des îles, a-t-il dit, dans un français approximatif. Je ne suis pas bilingue, mais je sais reconnaître un Connor qui drague quand j'en vois un. Quelque chose d'acide et de chaud me brûle les veines ; jalousie. Moi, je n'ai pas eu le droit à un sourire aussi franc depuis des lustres. Je rajuste mon pull sur mes épaules ; sa texture laineuse d'habitude si réconfortante m'est soudain intolérable. J'ai l'impression de me noyer dans sa largeur, et les fils me grattent, me démangent.

Je ferme les yeux, tentant de me calmer.

— Phœbe ?

Un bras se glisse sous le mien. Fallen. Je reconnais sa voix douce.

— Tout va bien ? me demande-t-elle, l'inquiétude teintant sa voix.

— Oui, oui, réponds-je faiblement.

— Tu es sûre ? Tu t'es arrêtée de marcher...

— Et tu as vraiment une sale gueule, ajoute Kaia, avec son tact habituel.

Je réprime un sourire, soulagée qu'au moins mes amies restent fidèles à elles-mêmes dans mon chaos.

— Ne vous en faites pas, j'ai juste besoin d'aller me coucher. J'ai peut-être trop lu au soleil, aujourd'hui.

Elles n'en croient pas un mot, mais devinent que je n'ai aucune intention d'en parler. Je me défais du soutien de Fallen, et rajuste mon tote-bag sur mon épaule tandis que je me remets à marcher. La rue est sombre, mais je connais le chemin par cœur. Je me concentre sur mes pieds, sur mes pas. Mais, à peine ai-je fait quelques mètres qu'une voix m'interpelle, dans mon dos.

Une voix grave, légèrement éraillée. Je m'arrête, croyant avoir mal entendu. Connor.

— Tu ne devais pas rentrer avec Tyler ? s'enquiert Kaia, faisant écho à mes propres pensées.

— Il rentrera seul, finalement. J'ai besoin de parler à Phœbe, déclare-t-il.

Fallen me glisse un regard, et je crois y lire une question. Doit-elle le rembarrer, ou pas ? Je secoue la tête, pour lui dire que je m'en charge. Sans un mot, les filles acquiescent et reprennent leur route. Tandis qu'elles s'éloignent, seul le bruit des clés que Kaia fait tourner entre ses doigts résonne dans le silence de la nuit.

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant