11 - El : Let's do this

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Aspen

Hey beauté, on passe vous chercher vers 20 h ;)

Moi

Si nous ne sommes pas prêtes avant vous... ;)

Je range mon téléphone dans ma poche arrière, tandis que les filles discutent à côté de moi, l'air surexcitées. Nous rentrons pour nous doucher et nous préparer en vue de ce soir — ça y est, trois jours après avoir convenu de cette soirée, nous y sommes. Apparemment, la boîte de nuit est « démentielle », mais je ne suis pas sûre d'arriver à l'apprécier autant. Ce matin, au petit déjeuner, j'ai eu la fabuleuse idée de faire le tri dans la photothèque de mon portable... ce n'était pas une bonne idée : je me suis écroulée sur la table, devant tous les clichés pris avec Luka durant ces cinq années d'un bonheur feint. Depuis, je me force à sourire, pour ne pas gâcher la joie des autres. Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, je commençais à me remettre peu à peu de la rupture. Grâce à toutes les activités auxquelles m'ont trimballée le groupe ces trois derniers jours, mon ex est sorti de ma tête ; je n'avais plus le temps de songer à lui.

J'ai une pensée pour la seule autre personne que moi qui ne semble pas emballée par cette soirée. Phœbe doit être chez les filles, en train de réviser — encore. Depuis quelques jours, la jeune femme est murée dans son silence, et prend à peine part aux conversations. Ses yeux bruns sont songeurs. Je regrette de ne pas m'être davantage rapprochée d'elle ces derniers jours — même si ce n'est pas faute d'avoir essayé. Si nous étions amies, ce serait moins étrange de lui demander de se confier, pour l'aider.

— El' ? Allô la Lune, ici la Terre !

Je cligne des yeux, et mon regard s'arrête sur les trois autres jeunes filles qui me fixent avec impatience. Je m'excuse, et Kaia répète :

— On voulait savoir si tu étais sûre de ne pas vouloir te préparer avec nous... On a tout ce qu'il faut et ça pourrait être sympa.

— Non, merci, mais c'est gentil. J'ai promis à Ana de l'aider à régler un truc avant d'y aller.

Elles acquiescent, mais m'annoncent qu'elles me raccompagnent. De toute façon, pour être passée devant chez elles hier, je sais que le crochet n'est pas très long.

Le mensonge est passé comme sur des roulettes. Ana ne m'a rien demandé, j'ai juste besoin d'être seule et au calme avant ce soir. J'ai tellement souri toute la journée pour faire semblant que j'en ai presque mal aux joues ; j'ai besoin de pouvoir être moi-même rien qu'une heure pour continuer cette mascarade quand je danserai. Ma batterie sociale est à plat. Je ne voudrais pas faire tache au milieu de toute leur positivité. C'est dingue comme la bande a l'air de n'avoir jamais rien eu à traverser...

Kaia, Fallen et Cora commencent à parler de leur tenue de ce soir, et ne s'arrêtent que devant le portique du 57, Victoria Street. Je leur adresse un sourire et leur dis à toute à l'heure. Quand elles me demandent ce que je compte porter, je réponds ne pas savoir encore que l'inspiration se présentera d'elle-même devant mon armoire. Mon ton a été plaisantin, comme très souvent ces derniers jours, pour masquer une morosité amère. Elles rient en me saluant de la main. Je referme la porte derrière moi, en leur adressant un dernier sourire, puis m'adosse au bois de l'ouverture. La vérité, c'est que je m'en fiche. Savoir quelle robe m'irait le mieux est la dernière chose dont je me soucie.

Un soupir tremblant s'échappe de mes lèvres, et comme un automate, je me dirige vers la plage. Je m'y rends presque tous les jours, dernièrement. C'est mon échappatoire.

Je m'assois sur le sable, à l'exact endroit où je me trouvais hier avant que je ne sois obligée d'aller me coucher. Mes yeux se perdent dans le lointain de l'océan, et je me surprends à me demander ce que mon père, Emy et Luka font en ce moment, à l'autre bout de la planète. Papa ne m'a pas adressé une parole depuis son échange avec Ana, si ce n'est un simple « Pardon » dont je doute de la sincérité. Quant à ma manager, elle m'a contacté il y a six jours pour me signaler que le contrat de Luka a bien été résilié en bonne et due forme — cette nouvelle ne m'a même pas donné le sourire. Emy m'a aussi confié ne plus vraiment savoir comment tenir les médias à distance. Maintenant que ma rupture n'est plus qu'un lointain souvenir, c'est mon absence à la Fashion Week de Londres qui inquiète. Je n'imagine pas ce que ce sera quand je n'apparaîtrai pas à celle de New York, dans deux jours. J'ai disparu des radars il y a trois semaines, et je compte bien le demeurer encore un peu... c'est pourquoi j'ai répondu rester encore quelques semaines. Je ne suis pas prête à remettre la tête sous l'eau. Emy m'a renvoyé un simple message, qui disait que son travail consistait maintenant à annuler mes rendez-vous au lieu de m'en trouver, et que ses journées étaient bien vides sans moi. J'ai souri ; je suppose que c'est sa manière à elle de me confier que je lui manque.

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant