Blotties les unes contre les autres, les filles et moi profitons des derniers rayons du soleil, allongées sur l'un des matelas du bateau. Il est presque dix-huit heures, et le soleil est maintenant plus doux, peignant de doré les voiles immaculées du bateau. L'océan est calme, et l'eau plate ; le voilier est à l'arrêt, et nous ne tarderons pas à manger — nous pouvons sentir d'ici les effluves qui s'échappent du compartiment cuisine, où Gabriel et Noah s'affairent aux fourneaux. Seul se fait entendre le chant des mouettes qui rejoignent la côte pour la nuit, et le frottement de l'eau contre la coque. Je lâche un soupir satisfait, me prélassant tel un chat au soleil.
Voilà une heure que nous sommes sorties de l'eau, et notre course de jet skis puis notre séance de jeu dans l'eau m'ont épuisée. La douche chaude qui a suivi, succincte, mais délassante, n'a fait qu'accentuer l'élan de fatigue qui m'a pris tout à coup. Mais, contrairement à ce que j'ai si souvent connu au cours de ces dernières années, cette fatigue est douce, chaude, agréable. Mes cheveux mouillés sentent le monoï et je suis au soleil, emmitouflée dans un sweat d'Aspen, que j'ai enfilé au-dessus d'une petite robe d'été. Ma tête est posée sur l'épaule de Phœbe, qui nous lit à voix haute le passage clé d'un roman qu'elle a emmené avec elle. La jolie brune espère me redonner goût à lecture, et je l'écoute attentivement, savourant le velours et la profondeur de sa voix. L'ouvrage n'a rien d'un grand classique de la littérature — certaines phrases sont d'un niais qui nous font bien rire — mais nous sommes toutes les cinq d'accord pour reconnaitre qu'il nous fait rêver.
— Oh, j'adore ce moment, chuchote Kaia.
— Tu as lu ce roman ? Tu sais lire, toi ? marmonne Cora.
Kaia lève les yeux au ciel et s'apprête à répondre, mais sa copine l'interrompt :
— Shhhhh, siffle Fallen.
Le regard concentré de la jolie blonde laisse entendre qu'elle est suspendue au bord des lèvres de Phœbe, qui continue. Hypnotisée, je l'écoute décrire la scène que nous attendions toutes : l'héroïne écoute, estomaquée, la déclaration d'amour de celui qu'elle pensait être son ennemi juré. Phœbe met le ton, adoptant une voix passionnée, grave, presque essoufflée, et je me dis qu'elle aurait dû faire du théâtre. Fallen, Kaia et Cora gloussent à l'entente du dialogue amoureux, et je secoue la tête, pour m'empêcher de faire de même. Je sais toutefois, à la vague de chaleur que je sens parcourir mon visage que je rougis. Romantique un jour, romantique toujours, pensé-je amèrement, alors même que je m'étais promis de ne plus me laisser attendrir par un pareil discours — qui n'est pas la réalité, je l'ai appris à mes dépens. Ce genre d'amour n'existe pas, me rappelé-je, tandis qu'une douleur encore trop récente se fraie un chemin dans ma poitrine trop étroite. Le visage de Luka et ses mots durs surgissent soudain dans mes pensées, et je les chasse aussitôt.
— Qu'est-ce qui vous fait rougir comme ça, peut-on savoir ? Surgit alors une voix grave et amusée, et nous faisons volte-face, interrompues dans notre lecture.
— Phœbe leur lit une scène de son roman, répond Aspen à Connor.
Tous deux marchent vers nous, un sourire complice aux lèvres. Leurs cheveux propres et mouillés, leurs chemises en lin et leurs bermudas secs m'indiquent qu'ils sortent tout juste de la douche. Connor relève un sourcil à l'entente de la réponse de son meilleur ami, et se penche au-dessus de l'épaule de Phœbe, qui se fige. Aspen le rejoint et fait de même, mais au-dessus de moi. Son collier à dent de requin pendouille au-dessus de son torse tandis qu'il s'incline, frôlant presque mes joues brûlantes, et son parfum familier — le soleil, l'océan, et quelque chose de plus masculin — descend jusqu'à mes narines. Je me surprends à inspirer plus profondément, tandis que ma tête se vide de toute pensée. Quand la voix grave de Connor retentit de nouveau, il me faut un instant pour réaliser qu'il répète simplement la phrase que Phœbe vient de lire :
VOUS LISEZ
Follow your fire
Romance"Il faut suivre son coeur, suivre sa flamme, faire de notre feu intérieur le phare de notre vie. Quitte à se brûler un peu au passage, parce que ça en vaut la peine." Eléonore est une mannequin française de renommée internationale. Elle devrait êtr...