42 - Connor

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« Parce que je suis tombée amoureuse de mon meilleur ami. Et je compte bien rester auprès de lui et me battre pour lui jusqu'à ce qu'il ne veuille plus de moi. »

Deux heures plus tard, les mots résonnaient encore en lui comme une réponse à une question vieille de vingt et un an. Il n'oubliera jamais la détermination, la dévotion et l'amour qu'il avait alors lus sur son visage, tandis que ses lèvres les articulaient avec conviction. Et le baiser qui a suivi — le premier qu'elle lui ait jamais donné spontanément était une surprise sucrée dont le souvenir le hanterait toujours.

Pendant cet instant, plus rien d'autre n'existait que cette femme devant lui, dont l'intelligence est à la fois le don et le fardeau. C'est un tableau de fragilité et de force, de courage et de beauté, dont il ne se lassera probablement jamais. Une fois de plus, il s'était surpris à mémoriser chacun de ses traits : les yeux profonds et insenses, comme le café, jamais sans un brin d'amertume ; la peau claire et rougie par le soleil ; les cils qu'il retrouve régulièrement échoués sur ses pommettes, et qu'il a si souvent priés ; les taches de rousseur qui ne se révèlent qu'à celui qui osera s'approcher en bravant son caractère de reine.

Et il savait qu'elle valait le coup. Elle valait la patience et l'attente. Oh oui, de cela, il n'en avait jamais douté — mais alors, sur ce bout de plage, ce constat lui avait sauté au visage.

Il lui avait pardonné dès l'instant où il l'avait vu apparaître au bord de la barrière, en se démenant pour l'atteindre. Le soulagement et le bonheur qui l'avaient envahi en l'apercevant ont presque fait glisser le masque d'indifférence qu'il s'était construit. Il n'avait compris que trop tard à quel point lui demander de ne pas venir avait été une erreur. Lui qui pensait que la savoir loin l'aiderait à se concentrer... il s'était heurté à une vérité douloureusement inverse. Alors que ses concurrents s'enfermaient dans une concentration presque létale à l'approche de leurs épreuves, lui se sentait dériver, incapable de penser à autre chose qu'à ces mots qu'il avait dits et aussitôt regrettés.

Et puis, comme un shot d'expresso, ses mots et son baiser l'avaient réveillé. Sur ces vagues, tout était enfin clair. La suite de l'après-midi, puis la soirée se sont déroulées si vite : l'épreuve, le podium, puis le soulagement lorsqu'il avait compris qu'il allait enfin pouvoir vivre de sa passion, sans égard pour la Loi que lui dictait son père. C'est un rêve qu'il a encore du mal à croire. Il en a presque le tournis ; quoique, de ce côté-là, c'est peut-être le cocktail que Gabriel lui a mis dans les mains, au bar, qu'il doit blâmer.

La musique en arrière-plan ne lui parvient que distraitement. Seul le contact de ses bras autour des épaules de Phœbe le maintient dans la réalité de l'instant. Leurs doigts sont entrelacés ; depuis qu'il est descendu du podium, ils ne se sont plus lâchés.

Distraitement, ils remuent au rythme des basses et de la guitare qui fait trembler le public. Ni l'un ni l'autre n'est pleinement concentré sur la scène sous leurs yeux. Leur conversation inachevée flotte encore entre eux. Même s'ils se sont déjà pardonnés, ils doivent balayer une bonne fois pour toutes les problèmes qui ont créé la dispute en premier lieu ; les arracher définitivement, comme la mauvaise herbe qu'on ne veut pas voir repousser.

Alors quand leurs amis annoncent aller chercher à boire, et que l'artiste descend de la scène pour laisser sa place au suivant, il se penche légèrement et chuchote à son oreille :

— On va marcher un peu ?

Un frisson la traverse tandis que ses lèvres frôlent son lobe, et il retient un sourire satisfait.

Le silence les accompagne tandis qu'ils rejoignent le bord de l'océan. Phœbe se penche pour enlever ses sandales, et il l'imite. Pieds nus dans le sable, ils marchent main dans la main. Son pouce trace des ronds discrets sur le dos de sa paume. Du coin de l'œil, il l'observe, fasciné et attendri par la fragilité courageuse qu'il entrevoit dans le rosé de ses pommettes. Sentant sûrement son regard sur elle, ses yeux bruns se redressent. Ils le dévisagent à leur tour. Son cœur s'emballe dans sa poitrine. Si elle savait... si elle avait la moindre idée du pouvoir qu'elle avait sur lui, jamais elle ne douterait autant.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 14 ⏰

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