17 - El : Scream if you want to

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— On va porter plainte.

Ana saisit le combiné du téléphone, les joues rouges de colère. Elle marmonne je ne sais quoi dans sa barbe, mais de ce que je parviens à saisir, je sais que ce n'est pas beau. Je lui cours après, en tentant de lui attraper le bras pour l'empêcher d'appuyer sur les touches. Voilà pourquoi j'avais hésité à lui en parler... Quand Aspen m'a appris que Phœbe avait appelé la police hier soir, j'étais morte de trouille. Et si elle avait donné mon nom, au téléphone ? Il a quand même réussi à me convaincre d'en parler à ma tante... voilà le résultat.

— Non, Ana... Ana, s'il te plaît !

Ma tante paraît m'entendre au bout de la troisième interpellation. Ses doigts se suspendent au-dessus du clavier du téléphone, et ses yeux me fixent avec impatience.

— Éléonore. Je ne le laisserai pas s'en tirer comme ça.

— Je sais, et j'en ai encore moins envie que toi, dis-je en articulant du mieux que je le peux.

Ma gorge est serrée à l'évocation de ce souvenir. Trois douches plus tard, j'ai toujours l'impression de pouvoir sentir ses mains sur moi... La dernière chose que je veuille, c'est bien qu'il sorte sans une égratignure de cette histoire.

— Réfléchis, repris-je. Si je donne mon nom, ça se retrouvera forcément tôt ou tard dans les journaux. Une plainte anonyme est irrecevable, et si ça l'est, je ne pourrais pas bénéficier du statut de victime et un procès ou toute mesure judiciaire sera impossible.

— La justice est un milieu très sérieux, me rassure doucement ma tante. On peut demander à ce qu'une clause de confidentialité soit signée. Tes avocats peuvent s'en assurer... Je peux en parler à ton père pour...

— Non ! l'interrompé-je.

Il dirait que je suis irresponsable, que je n'avais qu'à ne pas sortir en boîte sans protection... il enverrait quelqu'un me chercher et là, je n'aurais d'autre choix que de rentrer en France.

Ana semble comprendre ce que je sous-entends, puisqu'elle soupire. Ses traits se détendent, et elle reprend d'une voix douce :

— Bon, d'accord. Je n'appelle pas ton père. Mais nous nous rendons tout de même au commissariat. L'un des policiers est une vieille connaissance ; je lui expliquerai la situation, il comprendra. Nous ferons tout pour que cette histoire ne franchisse pas les portes des locaux de police, promis.

Je me tords les mains, peu convaincue, mais finis par opiner lentement. De toute façon, à part ne pas en parler — ce qui pourrait être tentant si je n'étais pas aussi décidée à obtenir justice — je ne vois pas d'autre alternative.

— Nous y allons maintenant.

Mon ventre se tord, l'anxiété se répandant dans mes veines comme une cascade déchaînée. J'observe ma tante attraper ses clés, son sac à main, puis s'arrêter à la porte. Ses yeux me sondent, et le regard qu'ils retransmettent se fait plus doux. Elle me tend la main.

— Je suis avec toi.

J'inspire à fond, puis saisis sa main.

*

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. Grâce au certificat médical circonstancié délivré par le médecin, nous allons pouvoir l'interroger. Nous vous tiendrons au courant.

Le policier se lève de son fauteuil, et quitte son bureau inondé de paperasse pour nous accompagner vers la porte. Ma tante et moi nous levons de concert, et saisissons tout à tour la main que l'homme me tend. Il est d'âge mûr, la soixantaine, je dirais. Ses cheveux sont poivre et sel, ses yeux gris et son teint bronzé, comme la plupart de ses collèges.

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant