J'ai à peine le temps de me pencher pour esquiver qu'une bille de peinture siffle près de mon oreille. Mon cœur bat à toute vitesse dans ma tête, et je suis essoufflée à force de courir. En même temps, nous en sommes à notre troisième partie. Je ne pensais pas que ce jeu demandait autant d'énergie, et mobilisait autant de muscles. La peinture complexifie tout, parce que j'ai manqué plusieurs fois de me retrouver le nez au sol en glissant sur une flaque. Et les structures — des échelles, des toboggans, des ponts — sont visqueuses. Impossible d'espérer se s'emparer d'une balise sans l'avoir payée de plusieurs bleus aux genoux et aux coudes.
— Raté ! hurlé-je à l'intention de Kaia, que j'entends marmonner dans sa barbe, depuis sa cachette.
Mon instinct de compétition a pris le dessus. Ma combinaison est encore quasiment intacte : je ne me suis pris que quatre billes, pour l'instant, dont une de Cora, mon alliée, tandis qu'elle découvrait comment fonctionnait le pistolet. Autant dire que je suis fière comme un paon, et que Kaia est verte de jalousie. Elle a gagné la première partie, mais j'ai gagné la suivante. La guerre est déclarée.
Le fait est que Kaia utilise sa force et sa rapidité de sportive, et moi, la stratégie. Voilà deux fois qu'elle se fait avoir par la même feinte. Je sais qu'elle fulmine, et je ne suis pas prête à la laisser gagner, amie ou non.
J'aperçois Cora de loin, tenue en joue par Éléonore. Mon amie est coincée dans un cul-de-sac, tandis qu'El est en train de positionner son pistolet pour tirer. Shit.
Prenant le risque de sortir de ma cachette, je bondis hors de mon trou et marque une accélération vers mon alliée, en tentant tant bien que mal de ne pas déraper sur une flaque. Derrière moi, j'entends Kaia jurer et les claquements caractéristiques des billes de peintures qui quittent le chargeur retentissent. L'une me frappe en plein dans l'arrière du tibia, et je lâche un juron alors que la douleur se répand dans toute ma jambe. C'est que c'est dur, ces choses-là.
Je lutte contre la frustration qui me mord le cœur alors que je réalise que je suis touchée, et cours à toute vitesse vers Cora, mon pistolet en main et visant Éléonore. Cette dernière ne m'a pas encore vue — voilà une autre faiblesse de Kaia : elle ne communique pas assez avec son équipe, trop concentrée sur sa propre victoire. Je tire plusieurs fois sur la jolie française, pour la déconcentrer et permettre à Cora de sortir de son piège, mais mes billes n'atteignent pas leur cible. Merde.
Heureusement, cela suffit pour que Éléonore sursaute et quitte des yeux Cora qui reprend le contrôle sur la situation et tire en plein dans son ventre. Il faut dire que mon amie est plus douée que moi sur ce plan-là. La belle Française pousse un cri étouffé, ses yeux fixant avec stupéfaction l'énorme tache violette qui colore dorénavant son ventre, et tombe en arrière. Une cloche retentit, et Cora et moi poussons un cri de joie en lâchant nos armes. 2-1.
Fallen, derrière la barrière, applaudit avec joie. Cette dernière n'est pas à l'aise avec ces jeux. Ils sont trop agressifs et ils la stressent, alors elle se contente de nous regarder et de nous encourager.
Nous exécutons une révérence, ce qui nous vaut un regard assassin de la part de Kaia. Celle-ci nous dépasse avec une mine sombre, marmonnant que ce n'est pas fini, et se saisit de la gourde qu'elle a dans son sac. À peine Cora et moi sortons de l'arène pour la rejoindre qu'une voix grave nous interpelle :
— Bah alors, ça ne nous attend pas ?
Gabriel nous adresse un regard outré, mimant la trahison, et je secoue la tête. Cora se jette dans ses bras, lui racontant ses exploits récents sur le champ de bataille, sans égard pour le t-shirt de son petit ami qui se teinte immédiatement de mille couleurs.
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Follow your fire
Romansa"Il faut suivre son coeur, suivre sa flamme, faire de notre feu intérieur le phare de notre vie. Quitte à se brûler un peu au passage, parce que ça en vaut la peine." Eléonore est une mannequin française de renommée internationale. Elle devrait êtr...