22 - Phoebe : Did you give up on me ?

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Un poids lourd et chaud sur le bas de mon dos me réveille. Je remue légèrement, mais retiens un gémissement de douleur qui ne fait que me réveiller davantage. Mes muscles sont tout endoloris, et ma tête me fait un mal de chien. Je tente d'ouvrir les paupières, mais mes cheveux brouillent ma vision, et ce que je distingue d'abord n'est qu'une tignasse brune — la mienne, sûrement. Mais je réalise une seconde plus tard, lorsque mes yeux sont adaptés à la luminosité, que ce ne sont pas les miens.

Connor est allongé à côté de moi. Il est encore endormi. Mon souffle se coupe — et je ne sais pas si c'est par peur de le réveiller ou par surprise de le trouver ici, dans le même lit. Je tente de me détendre, pour ne pas le réveiller avec mes mouvements brusques, et me rallonge délicatement. Je n'ose respirer, encore moins bouger. Mes yeux se perdent dans la contemplation de la lumière du matin qui traverse ses mèches brunes, et met en valeur ses longs cils noirs caressant le haut de ses pommettes. Son visage est dénué de toute tension, et cela lui donne un air candide, enfantin. Il est paisible.

Nous sommes tous deux allongés sur le ventre. Je réalise que le poids chaud sur mon dos est son bras — et que nous sommes dangereusement proches l'un de l'autre. Seuls quelques centimètres nous séparent, et je les éprouve comme si une tempête électrique avait lieu entre nos deux corps. J'en ai la chair de poule. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. J'observe avec stupeur la rencontre de sa peau avec la mienne — l'une, mordorée, l'autre, ivoire. Quelques-unes de mes longues mèches châtains recouvrent son bras. Lorsque je redresse légèrement la tête, elles glissent et retombent contre le matelas. Connor remue légèrement, et je me fige.

Ses yeux ambrés me découvrent avec surprise et incompréhension. Les images et les émotions défilent dans ses prunelles encore à peine réveillées. Son regard suit la ligne de son bras sur mon dos, dénudé par mon t-shirt, qui s'est relevé pendant la nuit. Il se fait plus profond, plus noir. Je réprime un tressaillement, tandis qu'une vague de chaleur me traverse, comme si le passage de ses yeux laissait un incendie derrière eux. Un léger sourire relève le coin de sa lèvre, et découvre ses dents blanches. Nous restons un moment silencieux, à nous observer, comme si nous nous trouvions devant un tableau étrange, une photographie qui n'aurait jamais dû exister. Je crois mourir sous le poids de ce silence qui tient en haleine, et après quelques secondes qui paraissent durer une éternité, je murmure :

— Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?

— Comme ça, quoi ? réplique-t-il, l'air de rien, mais une lueur moqueuse éclairant son regard.

— Ce que tu peux être agaçant, ronchonné-je en enfonçant mon visage dans l'oreiller, en espérant que cela suffirait à cacher mes joues roses.

— Tu ne m'as toujours pas demandé de retirer mon bras, pourtant, me fait-il remarquer.

Sa réplique me laisse aussi figée que le marbre. Je rouvre un oeil, et constate qu'il me regarde désormais avec un franc sourire. Cramoisie, je me dégage brusquement, et il ricane. Je secoue la tête, mais ne quitte pas le lit pour autant. Mon corps me trahit — je suis trop bien, là où je suis. Un ange passe, et je m'obstine à ne pas le regarder, concentrant mon regard sur les quatre coins de sa chambre. Malheureusement pour moi, il n'y a pas grand-chose à voir. J'ai rarement vu une chambre aussi impersonnelle. Un mur en béton, des luminaires modernes en métal, des draps gris anthracite, un bureau en verre sur lequel s'amoncellent les classeurs. Je remarque cependant quelques photographies, accrochées au-dessus de sa table de travail, seuls indices sur le propriétaire des lieux. En plissant les yeux pour mieux voir, je m'aperçois que ce sont des photos de la bande, de lui et Aspen, et... de nous deux.

Une sonnerie de téléphone balaie la quiétude de la chambre. Connor émet un grognement agacé, et décroche.

— Oui ?

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant