31 - El : Let there be the light

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Allongée de tout mon long sur ma serviette, je joue avec le sable du bout des doigts, le sentant s'immiscer dans les lignes de mes paumes et entre mes orteils. Il est chaud, mais la brise fraîche qui traverse la plage rend la température ambiante absolument parfaite. Au cours de mes voyages, j'ai eu l'occasion d'admirer bien des plages : les Maldives, la Polynésie française, Hawaï, Madagascar, Bali... j'ai vu parmi les paysages les plus beaux au monde. Mais je n'avais jamais pu en profiter. Je posais en maillot de bain, sur des plages parfois bondées de fans à peine tenus à l'écart grâce à une barrière de sécurité. Ces séances photo étaient bruyantes et très stressantes, parce qu'il fallait aller vite. Je ne restais jamais plus d'une heure sur ces plages, et nous changions déjà de ville, voire de pays. Jamais je n'ai eu l'occasion de réellement m'allonger et de fermer les yeux — je ne sais même pas si j'en aurais eu l'envie, ou l'idée. Après tout, Luka était rarement là pour me suivre, et mes managers ou les autres mannequins sont loin d'être des amis avec lesquels je me sens libre de me détendre. Et je ne me suis jamais sentie assez sereine pour prendre le risque de me retrouver seule avec moi-même. Ce qu'il pouvait bien se dire dans ma tête m'a toujours fait peur — et cet emploi du temps surchargé m'a toujours permis de faire la sourde oreille.

Mais depuis deux semaines... une sérénité nouvelle me permet de savourer réellement la préciosité de ces endroits : leur calme, leur beauté, leur caractère unique et comme hors du temps. Le bruit des vagues et du vent sonne comme une berceuse à mes oreilles, chuchotant à l'arrière-plan ; la brise est douce, les gouttes d'eau de mer qui glissent sur ma peau offrent une sensation exquise, et l'odeur de la crème solaire — celle de Cora sent la coco, le parfum de l'océan, iodé, salé, frais, sont merveilleux.

Je ne suis pas prête à me dire qu'un jour, je vais bien devoir les quitter. Mon ventre se tord d'appréhension, tandis que le visage d'Aspen apparaît sous mes paupières. Il ne sait toujours rien de ma vie de célébrité, pourtant étalée dans les magasines people et sur chaque réseau social ; rien non plus de mon métier de mannequin, et tout ce qu'il implique : les scandales, les rumeurs... le dernier en date étant, après ma rupture avec Luka, mon absence aux dernières Fashion Weeks. Celle-ci ne pouvait être que remarquée, car je n'en avais jamais manqué une seule depuis mes débuts dans le milieu de la mode...

Je vis dans le déni. Je n'ai pas ouvert mes comptes Twitter et Instagram depuis un mois, et mes comptes mails encore moins. Je me contente de répondre aux textos que m'envoie Emy, et ces derniers sont de moins en moins conciliants. Je ne peux pas lui en vouloir. Ma manager se bat depuis plus d'un moins pour maintenir mes contrats à flot tout en excusant mon absence et en calmant la presse. Je ne cesse de lui promettre que je réserve mon billet retour bientôt, mais la vérité, c'est que je ne veux pas partir. Je ne serai jamais prête à partir... En témoigne le défilé d'excuses que je ne cesse de lui servir par message — quand je daigne y répondre. Voilà vingt-quatre heures que je n'ai pas répondu à son dernier texto, et je suis déjà assez surprise de ne pas la voir débarquer.

Je ne sais pas encore combien de temps je vais pouvoir fermer les yeux et fuir sans que mon ancienne vie me rattrape. Ma gorge se serre. Je donnerai tout pour maintenir en place ce cocon de bien-être et d'anonymat encore un peu. J'ai besoin de temps, de temps : pour décider ce que je fais de ma vie, et surtout, pour tout avouer à Aspen. Car une chose est sûre, je ne suis pas prête à renoncer à lui. Bien que je fasse tout pour l'ignorer, la peur va grandissante dans le fond de mon ventre, car la voix dans ma tête pose ces questions de plus en plus fort : Comment ferons-nous quand je serai à Paris, et lui ici ? Voudra-t-il encore seulement de moi après mon mensonge ?

Je ferme les yeux, et une fois encore, repousse ces angoisses dans un coin de ma tête. Ce n'est pas le bon moment, me dis-je. Mais quand le sera-t-il ? J'ai trop attendu pour lui annoncer maintenant, à trois jours des nationales et à deux semaines des mondiales. C'est la compétition la plus importante de sa vie. Je ne veux pas le déconcentrer, et qu'il manque l'opportunité de construire sa carrière à cause de moi. Alors, le ventre douloureux, j'attends. Ça ne sert à rien de te torturer maintenant, tenté-je de me convaincre. Profite des quelques jours qui te restent ici, et tu lui avoueras tout dans quinze jours, au lendemain de la dernière épreuve. Et il comprendra.

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant