Mariage pluvieux, mariage heureux

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21 avril 1979

Je me levai de bonne heure ce matin. J'avais mal dormi. En plein milieu de la nuit, Pierre s'était levé à cause de l'orage qui venait d'éclater, et installé les bassines aux endroits où le toit fuyait. A force de dormir dans les combles à chaque séjour aux Trois-Buttes, mon beau-père avait marqué les emplacements des fuites à la peinture bleue sur le parquet, et réussissait à placer les bassines pour récupérer l'eau en moins de cinq minutes montre en main.

C'est pour cela que j'avais été réveillée à une heure du matin par le faisceau de la lampe frontale de Pierre qui installait les deux bassines de ma chambre. J'avais aussi eu l'excellente surprise de découvir qu'un nouveau trou dans le toit s'était créé pile au dessus de mon lit, et avait dû le déplacer une heure plus tard.

Pierre et maman étaient déjà levés et se brossaient les dents dans la petite salle de bains. Adélaïde et les garçons avaient dû les faire se lever vers cinq heures du matin :

« Je trouve inadmissible que ton père se laisse aller ainsi. Il a un château splendide, et il est incapable de s'en occuper. Seize ! Tu te rends compte ! Seize trous dans le toit, et je ne parle que de celui du bâtiment principal.

– Quand j'étais petite il y en avait huit, ajouta simplement maman.

– Je vais lui dire, ce midi, pour les trous. Je n'en reviens pas ! C'est pas un toit, c'est un gruyère ! pesta mon beau-père.

– Avec les préparatifs de dernière minute du mariage de Constance, je pense que ça va s'apparenter à un cri dans le vide...Et tu connais mon père, tout ce qui n'est pas utile à l'Ordre ne l'intéresse pas

– Mais tu peux intervenir, toi ! Tu lui dis "Papa, si tu n'appelles pas un couvreur pour réparer ce toit, je renonce à mes droits de succession". Et là, il va devoir agir !

– Pierre, je ne vais pas renoncer à mes droits pour des fuites...Et il suffit de prendre un parapluie. Je t'ai proposé le mien tu n'as pas voulu...

– Mais je ne vais pas me servir d'un parapluie à l'intérieur ! C'est le monde qui marche sur la tête ! »

Je descendis les escaliers en bois en frissonnant dans ma robe de chambre. Comme tous les matins, le petit-déjeuner se prenait en cuisine, déjà envahie par la majorité de la famille, et de quelques invités du mariage arrivés la veille. Je louchai vers les paniers d'huîtres installés sur le plan de travail, et fis chauffer du lait dans une casserole pour mon chocolat chaud. 

« Alexandra, bonjour, je ne te demande pas si tu as bien dormi, tout le monde a mal dormi. Voici ta feuille de route. »

La future mariée, les yeux entourés de cernes, les cheveux encore protégés par une charlotte, me tendit une feuille de papier que je commençai à parcourir.

« Tu prends ton petit-déjeuner en vitesse, et tu me sors du lit Solange. A neuf heures tapantes, je veux toutes le demoiselles d'honneur, c'est-à-dire Agnès, Lucie, Bénédicte, Solange, la cousine de Pierre-Louis, Béatrice, et toi, devant la porte de la salle à manger, pour vos coiffures. Tu as bien essayé ta tenue ?

– Oui...On a même fait les réglages.

– Merveilleux. A onze heures trente, mariage civil à la mairie de Saint-Martin, vous faites comme on a dit à la répétition. En tenue, mais je n'aurai pas la même robe qu'au mariage religieux. A treize heures, vous mangez, rapidement. Si vous n'êtes pas rassasiées, ce n'est pas grave, vous vous rattraperez sur le vin d'honneur. A treize heures quinze, je veux toutes les demoiselles d'honneur dans ma chambre. Derniers réglages vestimentaires et coiffures, je mets ma robe pour la cérémonie à la chapelle. A quinze heures trente, début de la cérémonie religieuse. Tu as bien retenu ta place ?

De mes cendres je renais -- Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant