La Décision de Camille de @EDITIONSDNDA et la Mélodie du talent de @Edj958

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La wattoscopie, c'est la petite escapade sur Wattpad, un moment privilégié où l'on se fait plaisir avec des nouveautés.

Vous voudrez bien excuser le caractère un peu décousu de cette notule : constamment interrompu, j'ai dû la rédiger en huit ou dix fois.

Aujourd'hui, c'est une wattoscopie un peu spéciale puisque je vais aborder de front deux œuvres. J'ai nommé :

- la Décision de Camille de Cécilia Curbelo

et

- la Mélodie du talent de Edj958.

En effet, il m'a paru intéressant de comparer le roman d'une écrivaine confirmée et celui d'une écrivaine en herbe dans un genre similaire (Bildungsroman ou roman de formation) !

La Décision de Camille a été publiée en 2021. Elle a remporté un vif succès : Cécilia Curbelo a été élue à trois reprises auteure de l'année en Uruguay !

Adolescente qui prend peu à peu conscience de l'hypocrisie et de la sottise de ses camarades (ils se moquent de ses yeux bridés tout en se prétendant antiracistes), Camille reçoit un message sur son téléphone. C'est un numéro inconnu. Son interlocuteur lui fixe un rendez-vous « sur la place » à 17 h. Camille décide d'y aller...

Petite parenthèse : on peut déplorer que certaines maisons d'édition se servent de Wattpad comme support publicitaire. A priori, les auteurs confirmés et acclamés n'ont PAS BESOIN de Wattpad. C'est un lieu pour les écrivains en herbe qui souhaitent obtenir un retour sur leur travail et progresser grâce aux interactions dont cette plateforme offre la possibilité. Certes, le profil est clairement étiqueté comme profil d'éditeur et non comme profil d'auteur. Mais j'avoue avoir été abusé dans un 1er temps : j'ai réellement cru que c'était là le début d'un roman inédit...

Venons-en à la Mélodie du talent tome 1 (Entrez dans la danse). Là encore, il s'agit de l'histoire d'une ado. Prénommée Mélodie, elle habite New-York et attend avec impatience la réponse d'une école qu'elle souhaite intégrer. Ce sera difficile : l'école Summer ne recrute que des personnes ayant des talents de pianiste et de compositeur...

Ma 1re observation concerne la Décision de Camille (le roman papier). Je dois bien reconnaître le caractère très assuré de cette prose. Ce professionnalisme transparaît essentiellement dans l'orthographe et la fluidité du style.

En revanche, je n'ai pas constaté de différence tangible entre le début de ce roman papier pour ado et bien des débuts de romans que j'ai lus ici-même. Tout le monde vous le dira en off dans le milieu de l'édition : l'idée qu'il faille absolument écrire un chef-d'œuvre pour être publié, y compris par une grande maison, est fausse. C'est un mythe qu'il est facile de détruire : il n'est que de lire par exemple la liste des auteurs ayant reçu le Goncourt depuis sa fondation en 1903. La plupart des auteurs primés sont devenus illisibles, très peu de bons auteurs ont été récompensés. Il y a beaucoup d'écrivains qui restent dans l'ombre et ont beaucoup de talent. Pour autre preuve de ce que j'avance, le nombre incalculable d'œuvres très moyennes qui sont publiées et sombrent peu après dans un oubli total. Certaines connaissent une éphémère visibilité, la plupart terminent au pilon. Je n'aurai pas la cruauté de vous citer des exemples.

J'ai déjà expliqué dans une précédente notule que les éditeurs n'étaient pas des entrepreneurs en charité publique : s'ils décident de donner sa chance à un auteur, c'est en général parce qu'ils ont lieu de penser que son roman est vendeur. Un livre à succès doit-il nécessairement être un roman talentueux ? Je reviendrai sur cette question essentielle dans une autre notule, quand je m'intéresserai aux wattpads qui engrangent des dizaines de milliers de vues.

La 2e observation concerne la Mélodie du talent. Certains défauts sont manifestes et il serait oiseux ici de les pointer du doigt outre mesure. Ce qui m'a tout de suite sauté aux yeux et m'a fait penser à la Décision de Camille, c'est le dispositif narratif. En effet, on s'aperçoit que l'une et l'autre autrice a réfléchi à son récit en termes de structure.

Dans la Mélodie du talent, on imagine tout de suite que c'est un pervers qui est l'auteur du message à Camille. Forcément inquiet pour cette ado naïve, le lecteur n'a de cesse qu'il n'apprenne si elle est tombée dans un piège ou s'il s'agit seulement d'un jeu innocent. Habilement, Cécilia Curbelo décide de reporter le moment où Camille rencontre l'inconnu : elle opère un long flash-back lors duquel nous sont apportées un nombre appréciable d'informations sur l'héroïne et son entourage. Autrement dit, elle commence d'abord par hameçonner le lecteur en jouant sur ses émotions. Puis elle se livre à un passage descriptif, et l'on sait à quel point ces passages sont de ceux qui découragent ! La perspective d'avoir une réponse à la question angoissante que nous nous posons nous pousse à tourner les pages avec fébrilité malgré l'absence de péripéties.

Technique identique dans la Mélodie du talent puisque l'autrice, d'entrée de jeu, met en place un suspense : son héroïne Mélodie parviendra-t-elle à intégrer l'école Summer ? Avant que nous n'obtenions la réponse, notre jeune écrivaine opère elle aussi un long flashback lors duquel nous est décrite la relation que Mélodie a développée avec son amie Jeannette (elles se surnomment entre elles Noisette et Blanchette).

Cette technique a un nom : le début in medias res. Nous y reviendrons.

Nous en concluons que l'écrivaine en herbe qui a entrepris la rédaction de la Mélodie du talent, même s'il lui reste beaucoup de progrès à faire, a déjà acquis une certaine maîtrise dans l'art de la narration.

On peut observer par ailleurs que beaucoup de jeunes auteurs font preuve d'une indéniable aisance dans l'art de structurer leur histoire. C'est pourtant quelque chose qui est très peu enseigné à l'école où les ateliers d'écriture longue sont encore trop peu nombreux. Preuve que pour apprendre à écrire, il faut d'abord et avant tout lire, lire, — encore et toujours.


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