Wattoscopie : Au-delà des écrans de @clem1992

19 7 0
                                    

C'est aujourd'hui une wattoscopie plus longue que d'habitude car elle porte sur un sujet très préoccupant. Je me suis longuement demandé s'il fallait que je fasse de la pub à ce livre. Mais il a suscité mon intérêt et constitue un exemple de ce qu'on peut trouver de plus étonnant sur Wattpad.

Pas de malentendu : mon but n'est pas de jeter la pierre à clem1992, de lui dire Ouh ! la vilaine ! et d'inviter à boycotter son histoire. Bien au contraire !

J'ai par ailleurs eu la curiosité de regarder ses autres œuvres et je les ai trouvées très bien. Nous avons un point commun qui est de travailler à un ouvrage de critiques. Son roman Mariage et préjugés n'en est encore qu'à son début mais s'annonce comme une fort intéressante réactualisation d'Orgueil et préjugés.

Au-delà des écrans dont le titre complet est Au-delà des écrans (Notre histoire en lignes) ChatGPT story est une histoire écrite à 100 % par ChatGPT et dont viennent d'être mis en ligne les deux 1ers chapitres !!!

Alex et Mia ne se sont jamais rencontrés. Ils ne communiquent que par écrans interposés. Un jour, ils décident de se rencontrer en vrai...

La 1re réaction est bien sûr LE CHOC de lire une histoire rédigée dans un style impeccable (mais un peu trop propre). Dans un commentaire, une lectrice fait d'ailleurs la réflexion que ChatGPT écrit mieux qu'elle. J'ai envie de la rassurer et de lui dire : « TKT, je préfère lire un roman bourré de fautes, mais vivant, plutôt qu'un roman bien lisse, mais artificiel... »

Cela fait pourtant des décennies qu'on parle de la possibilité d'écrire des romans par ordinateur. On savait que cela finirait par arriver. Il ne s'agit plus maintenant de juger si c'est bien ou mal, entend-on souvent : il faut faire avec.

J'ignore si ce phénomène durera. L'idée que nous nous engageons dans une civilisation du tout-écran, par exemple, se heurte au manque criant de métaux rares qui va bientôt impacter le monde tout entier. Sottement, l'Éducation nationale est en train de miser sur le remplacement des enseignants par des ordinateurs alors même que la logique devrait être inverse. La certitude que l'ordinateur va se substituer à l'homme dans un avenir proche me paraît donc largement fantasmatique.

Les nuages s'amoncellent à l'horizon, nous n'aurons bientôt plus d'autre choix que de nous engager dans une société de la décroissance. Ce n'est pas sur les écrans qu'il faudra parier dans les années qui viennent, mais sur les jeunes générations, leur imagination, leur sens de l'initiative.

En ce moment, on parle beaucoup de déconstruction, un concept hérité de Heidegger (dont on connaît les sympathies pour le régime de Hitler) et de Jacques Derrida, — philosophe qui n'est pas sans avoir participé à l'effondrement des études de lettres en France à partir des années 80. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, qu'on aborde aussi la question de la déconstruction de notre modèle de société, trop peu respectueux de la planète.

Pour en revenir aux romans rédigés par une intelligence artificielle, je suis d'avis que c'est une idée fausse de croire qu'une histoire puisse être écrite ex nihilo par un ordinateur, — l'I.A. a d'abord été paramétrée par des êtres humains.

Il existe déjà en France une application pour les écrivains et les scénaristes. Appelée Genario, elle est conçue comme une béquille pour les écrivains en herbe.

Un auteur qui utilise cette appli parviendra plus rapidement à un résultat satisfaisant que s'il était passé par les étapes habituelles : j'écris, je rate, je recommence, je rate, j'entreprends l'écriture d'un roman, je ne l'achève pas, j'ai l'impression que je ne parviendrai jamais à quelque chose de bon, je cède au désespoir, je remets le pied à l'étrier, et ainsi de suite pendant des mois et des mois, parfois des années, — raison pour laquelle les auteurs de fictions sont souvent des personnes qui ont bénéficié de circonstances favorables (par exemple, ils ont été encouragés par un succès précoce) ou des acharnés que leur naturel obsessionnel n'a pas découragés de continuer à écrire.

Vous avez envie d'écrire un roman où il est question d'un pingouin et du groupe BTS, Genario vous propose tout de suite un schéma narratif, un schéma actantiel, des fiches-personnages. En fonction des choix que vous opérez, le schéma narratif se précise et il vous est bientôt possible d'obtenir un texte qu'il vous reste à relire et, le cas échéant, à remanier.

Au fil du temps, la vie des écrivains a été facilitée par l'arrivée de la machine à écrire, puis du traitement de textes et enfin d'Internet qui facilite énormément les recherches. Mais c'étaient des améliorations d'ordre matériel qui n'épargnaient pas les auteurs de disposer d'une solide connaissance de la langue et d'une vaste culture littéraire.

Avec les outils actuels, l'écriture, assurément, va se démocratiser. Il fut un temps pas si lointain, je le répète, où il était très difficile d'écrire. Seuls les génies parvenaient très vite à un résultat correct. Pour s'en convaincre, il n'est que de lire les 1res productions des grands écrivains, — Balzac, Zola, Maupassant, ils ont tous essuyé les plâtres. Seuls quelques-uns comme Rimbaud disposaient de qualités exceptionnelles, et encore faut-il préciser qu'ils avaient bénéficié d'un enseignement hyperlittéraire. Il n'y avait pas de plateforme comme celle où j'écris aujourd'hui, l'écriture était un travail ingrat et solitaire.

J'en conclus que toutes ces évolutions ne sont pas négatives, loin s'en faut.

Je vois néanmoins deux risques :

- la tentation pour les auteurs de trop s'appuyer sur les I.A. pour élaborer leur histoire. Il en va de la littérature comme des performances sportives, il en va du cerveau comme de tout le reste du corps humain. Y aura-t-il lieu de se réjouir quand viendra le jour (et il viendra nécessairement) où des robots participeront aux jeux olympiques et où ils nous battront à plates coutures ? Devra-t-on en conclure que l'humain peut désormais s'épargner de sauter en hauteur ou de pirouetter dans les airs ?

- la tentation pour les éditeurs de déléguer aux I.A. le soin d'élaborer des ouvrages jusqu'ici rédigés par des êtres humains. Pour rappel, un éditeur n'est pas un entrepreneur en charité publique. Il lui faut faire tourner sa boutique. S'il est plus rentable d'utiliser des machines que des êtres humains, il n'hésitera pas. Cela passera par un remodelage complet du métier d'écrire. Les écrivains ne seront plus ceux qui signent les livres, ce seront ceux qui s'emploient à améliorer les performances créatives des intelligences artificielles. Cela signifie qu'il faudra des auteurs à la fois doués en sciences et en littérature.

J'arrête là mes efforts de prospective et vous laisse découvrir Au-delà des écrans ... Je n'ai pas la prétention de clore le débat. N'hésitez pas à en parler autour de vous et, le cas échéant, à me dire ici ce que vous en avez pensé !

WattoscopiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant