Wattoscopie : « Tous nos silences » de @lilylucyleia

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La magie de la littérature, est-ce simplement une métaphore éculée ou peut-on RÉELLEMENT considérer la lecture et l'écriture comme de précieux auxiliaires capables d'offrir une 2de chance à ceux qui ont le sentiment que leur existence tourne à vide ?

La wattoscopie, c'est la petite escapade sur Wattpad, un moment privilégié où l'on se fait plaisir avec des œuvres découvertes au hasard de la flânerie !

Pour le coup, c'est encore la jeune entrepreneuse dont je vous ai parlé (elle se reconnaîtra...) qui m'a signalé « Tous nos silences » de lilylucyleia, nouvelle remarquable dont je vais tenter de vous donner une idée malgré l'état de fatigue où je me trouve déjà (et qui va sans doute s'aggraver !...). J'en profite pour la remercier de tout le travail de défrichage auquel elle s'est livrée sans relâche. Sans elle, il n'y aurait pas eu de wattoscopies. Je sais qu'elle aime être abasourdie et secouée mais je continue d'être stupéfait par son appétit et sa curiosité, qui se déploient dans toutes les directions. Elle me tient également au courant du devenir des œuvres que j'ai notulées ici-même. Je viens d'apprendre, par exemple, que Star Girl de pnjuju avait pris un tournant inattendu.

Il va m'être difficile de parler de cette nouvelle (de même qu'il va m'être difficile d'écrire sur les autres œuvres qu'elle m'a soumises dernièrement...) : ce sont des histoires, en effet, qui sont vraiment abouties et dont j'ai le sentiment qu'elles peuvent se défendre toutes seules. Je suis convaincu que « Tous nos silences » rencontrera un succès à retardement.

Il pleut sans discontinuer. Nathan passe son dimanche chez sa grand-mère avec sa sœur et son père. Il s'ennuie. Sa sœur pianote sur son téléphone portable, son père est plongé dans sa boîte mail, seule sa grand-mère semble de bonne humeur.

C'est étrange, ce thème de la pluie chez certaines autrices. Je pense notamment à Il pleut sur mon histoire – Yuri de INFP_frog dont il faudra bien un jour que je vous parle (mais en ce moment, je ne me sens pas vraiment de taille pour évoquer cette œuvre).

Revenons à « Tous nos silences ». Je ne peux pas vraiment en dire plus. La nouvelle est écrite dans une prose élégante et délicate. Elle est fondée sur l'idée d'un lien possible entre les sentiments amoureux, la lecture, l'écriture et la résurrection.

Quand je parle de résurrection, c'est de la capacité à s'extraire de la situation morose et inextricable dans laquelle on s'est enfermé.

Une autre idée qui peut être considérée comme banale, c'est que les mots peuvent guérir les maux. Mais cette idée est exploitée ici avec une grande originalité, dans la mesure où les mots surgissent de nulle part, comme par magie. On rejoint le pouvoir magique de la littérature.

Comme souvent dans les nouvelles réussies, on peut repérer deux niveaux de lecture.

Une lecture de surface nous fait vivre un moment-charnière dans l'existence de ces deux adolescents.

Une lecture en profondeur nous renvoie à la littérature en elle-même et à sa dimension thérapeutique.

On peut dire que « Tous nos silences », dont les chapitres ont reçu pour titres les morceaux d'une seule et même phrase, est une nouvelle réflexive où la littérature s'interroge sur elle-même et sur ses propres pouvoirs. Il faut entendre littérature au sens large : aussi bien les chefs-d'œuvre du temps passé que des pages d'écriture qui n'ont pas été conçues par un écrivain professionnel et ont traversé les décennies.

Occasion pour moi de rappeler à mes lecteurs l'intérêt pour eux de tenir un journal. J'ai déjà évoqué cette question du diarisme dans ma notule sur Voltige littéraire d'un aigle et d'une corneille de Little_Fantastic (un nouveau chapitre de ce beau récit vient d'ailleurs d'être publié). Bien sûr, un journal intime s'adresse en priorité à celui qui le rédige. Lui-même au moment où il s'emploie à retracer sa journée. Mais lui-même également dans dix, vingt ans. Et au-delà, à ses descendants.

Ne détruisez pas les journaux intimes de vos ascendants, ce sont des mines d'or. L'universitaire Philippe Lejeune s'est beaucoup intéressé à cette question du journal et je vous renvoie à ses ouvrages sur le sujet.

Des romans et des nouvelles réflexifs, il y en a beaucoup, et j'avoue avoir un goût prononcé pour les œuvres de ce genre. Peut-être parce que j'ai croisé beaucoup d'écrivains en herbe (en fait, surtout des autrices) qui menaient contre les mots et les phrases un véritable combat et demeuraient convaincues qu'il leur était possible de revêtir avec un vêtement de mots l'idée qui les obsédait.

C'est sans doute cela que j'ai retenu : l'obsession de trouver une forme qui convienne parfaitement au projet qu'on a conçu, et la conviction que quelque chose se résoudra une fois que le forme aura coïncidé avec le fond. Il y a toujours un sentiment de réconciliation quand on parvient réellement à exploiter toutes les ressources du langage.


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