Oui, vous avez bien lu : je suis allé faire un tour du côté des romans à haute teneur en lemon. Et n'ai pas été déçu...
La wattoscopie, c'est la petite escapade sur Wattpad, un moment privilégié où l'on se fait plaisir (ou pas) avec des romans découverts au hasard de la flânerie !
Cette fois, j'ai décidé de taper lemon dans la barre de recherche. Aussitôt s'affichent des histoires qui enregistrent un nombre absolument colossal de vues : plusieurs centaines de k pour chaque histoire, parfois cela se chiffre en M. J'ai découvert que k voulait dire mille et que M voulait dire million. Ça fait rêver...
Nous avons donc affaire à des poids lourds. Je me mets à lire et je constate que les livres en question :
- sont dépourvus d'orthographe ;
- sont écrits à la truelle (et je demande pardon aux truelles car je viens de leur manquer de respect) ;
- sont bourrés de scènes de sexe invraisemblable qui s'enchaînent à l'infini et constituent la preuve que l'auteur est un adepte du porno ;
- sont littéralement dégueulasses et absolument indéfendables.
Bref, les mains sales et la nausée.
Je ne peux pas être absolument affirmatif dans la mesure où je ne suis pas allé au-delà de quelques lignes pour la plupart d'entre eux. Enfin, j'imagine que les auteurs n'ont pas mis un 1er chapitre pornographique avant d'en venir à d'admirables envolées poétiques.
Attention, n'allez pas interpréter mes jugements : je suis par principe ABSOLUMENT OPPOSÉ à toute forme de censure. L'expérience démontre qu'une censure légitime finit toujours pas se transformer en censure illégitime.
J'observe simplement que les femmes, dans ces histoires, sont systématiquement violentées, voire violées, et qu'elles semblent en tirer un vif plaisir. Je suis surpris que ce soit ce genre d'histoires qui rencontre le plus de succès. Non, tous les hommes ne se repaissent pas de ce genre de scènes osées. Non, toutes les femmes n'ont pas envie de voir l'une des leurs se faire rabaisser par un mâle alpha aux biceps huilés et au porte-monnaie confortable. Je suis peut-être naïf, mais il y a là pour moi quelque chose d'inexplicable. Si vous pouvez m'aider à comprendre, je veux bien que vous me fournissiez un éclairage en commentaire.
Une autre question : comment en vient-on à écrire ce genre de choses alors que personne ne vous y oblige ?
Réponses possibles :
- le désir de notoriété. Les auteurs ne s'intéressent pas à la littérature, ils veulent juste engranger un nombre important de vues. Ils ont compris que le moyen le plus efficace était de faire du lemon et conçoivent un roman porno sans état d'âme ;
- le désir de vengeance. Je n'en suis pas certain, mais je soupçonne certains auteurs de ne pas être si incultes qu'ils en ont l'air. La tentation est forte, après n'avoir rencontré aucun succès avec un roman sur lequel on a sué sang et eau pendant des mois et des mois, d'écrire une m... avec le pied et d'engranger des millions de vues. Après tout, c'est un peu ce qu'a fait Boris Vian avec les romans qu'il a signés sous le pseudonyme de Vernon Sullivan... Du reste, les faits lui ont donné raison : J'irai cracher sur vos tombes et Les Morts ont tous la même peau se vendent à un nombre très important d'exemplaires alors que l'Écume des jours, magnifique roman d'amour, et l'Automne à Pékin, remarquable roman expérimental, sont publiés dans l'indifférence générale. Amer, Boris Vian en a tiré la conclusion que les lecteurs étaient complètement cons. C'est évidemment plus compliqué que ça. Les êtres humains sont faibles, il est plus facile de se laisser glisser que de tenter l'ascension d'une montagne.
Et pourtant... Comparer ces auteurs à Boris Vian ne me semble pas tout à fait juste. Même quand il s'attache à écrire quelque chose de nul, Boris Vian finit toujours par élaborer un roman qui a de la valeur (c'est plus fort que lui). On ne peut pas en dire autant des horreurs à haute teneur en lemon !
- le désir d'attirer les lecteurs sur d'autres œuvres plus intéressantes. C'est manifestement la stratégie qu'a employée @Mikkite en publiant It Was Always You. C'est le seul roman que je citerai dans la mesure où je ne publie pas ces notules dans l'intention de dénoncer, d'humilier ou de rabaisser. It Was Always You (135k) raconte l'histoire d'une jeune femme enrobée qui est menacée de licenciement. Son chef de service veut bien la garder à condition qu'elle se soumette à tous ses désirs. Ce à quoi elle consent dans la mesure où les hommes, jusqu'à présent, ne se sont guère intéressés à sa plastique.
Je m'abstiendrai de dire ce que je pense de cette histoire. Il me semble en revanche important de souligner que c'est remarquablement bien écrit, une fois n'est pas coutume. Pas au point de m'inciter à lire au-delà du 2e chapitre, mais tout de même : la qualité d'écriture est immédiatement perceptible.
Je consulte le profil de @Mikkite et m'aperçois qu'il s'agit là d'une wattpadienne aguerrie qui a écrit un nombre très important de livres dans toutes sortes de registres ; certains ont été rédigés directement en anglais.
J'apprends également qu'un de ses romans a été wattisé.
J'en conclus, peut-être à tort, que la romance sexuelle (à défaut d'un autre terme plus approprié) est un moyen pour cette personne de se faire connaître.
Je ne pense pas qu'elle lira cette notule (ce n'est certainement pas moi avec mon nombre misérable de vues qui ai la moindre chance de lui faire entendre raison). Au passage, je salue les personnes qui font l'effort de me lire et je les remercie infiniment. Mais si j'avais @Mikkite en face de moi, je n'hésiterais pas à lui dire : Tu as la chance d'aimer écrire et d'avoir certainement un don naturel pour raconter des histoires. Ne gâche pas tes possibilités ! Tente de viser plus haut en pariant sur l'intelligence du public ! Cela dit, qui suis-je pour donner des leçons de morale ? Je lui souhaite de trouver sa voie, qui est manifestement dans l'écriture. Et aux auteurs de romans lemonisés de se tourner vers une autre activité. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent...
VOUS LISEZ
Wattoscopies
RandomJe vous fais part de mes découvertes sur Wattpad où se trouvent beaucoup d'auteurs talentueux, on ne le dit pas assez.