14. Nuit blanche

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Mme Pomfresh avait sûrement été prévenue qu'ils arrivaient car elle les retrouva dans le hall. C'était une femme discrète qui avait connu bien des blessés mais elle ne put retenir un "Par la barbe de Merlin".

Elle entraîna Remus dans l'infirmerie, suivie de Sirius. Le jeune homme ne pouvait s'empêcher de penser à ce qui aurait pu se passer. Et si son Moony était mort cette nuit, qu'aurait-il fait ? Le trajet fut court et l'infirmière leur installa deux lits côte à côte.

Sirius la vit murmurer des dizaines et des dizaines d'incantations, poser de nombreux baumes sur les plaies béantes et faire ingérer une douzaine de potions différentes au lycanthrope.

Au bout d'un moment, elle se redressa et attendit un instant sur le corps inconscient avant de se tourner vers Sirius. Elle referma ses coupures en deux coups de baguette et lui donna un anti douleur.

- J'ai préféré ne pas l'anesthésier, fit la femme, Il se pourrait qu'il se réveille dans la nuit mais ce ne seront pas ses blessures physiques qui lui feront mal... Si tu ne te sens pas capable de surmonter ça je vous endors tous les deux, mais j'ai pensé que tu voudrais peut-être parler à ton ami. Enfin reposez vous surtout.

Il hocha la tête en murmurant un "merci" à peine audible et resta assis à contempler le corps meurtri de Remus.

- Je suis sérieuse, ajouta-t-elle, repose-toi.

Il acquiesça de nouveau et elle quitta la pièce en lui précisant qu'elle se trouvait juste à côté si il avait besoin de quelque chose.

L'infirmerie retomba dans le silence. Il resta là, les yeux fixés sur son amour. Aucune pensée cohérente ne trouvait sa place dans sa tête. Tout était beaucoup trop rapide ou beaucoup trop lent. Il avait l'impression de regarder la scène du dessus, de ne plus rien ressentir.

Il avait perdu la notion du temps. Il pouvait très bien s'être passé cinq heures comme cinq minutes sans qu'il en ait la moindre idée. Il était sensé dormir mais c'était comme s'il avait oublié comment faire.

Il avait la sensation d'être à nouveau un petit garçon. D'avoir toute sa famille au dessus de lui qui le réprimandait d'être trop téméraire. Il voyait le regard de sa mère le transpercer pour connaître les secrets qu'il cachait au fond de son esprit.

Il se revoyait à sept ans, tenter d'apprendre l'occlumencie seul à l'aide d'un petit livre que lui avait donné Régulus pour qu'il s'entraîne en secret. Il se voyait s'enfermer dans sa chambre et mettre un oreiller sur sa tête pour ne plus entendre la voix de son père qui lui hurlait d'arrêter de leur cacher des choses et qu'il découvrirait de toute façon tout.

Il se revoyait à neuf ans, le visage neutre sans la moindre expression voir la fierté de toute sa famille d'apprendre que la petite Bellatrix avait été envoyée à Serpentard. Il revoyait le visage glacial de sa mère qui le prévenait qu'il avait grandement intérêt d'en faire autant.

Et puis Régulus lorsqu'il avait dix ans. Le petit prodige de la famille. Il revoyait sa grand-mère le prévenir qu'il ne serait jamais assez et que jamais il n'égalerait son grand frère.

Et puis ses onze ans. James et Lily dans le train. Gryffondor. Et tous ces gens qui l'avaient accueilli comme l'un des leurs. Qui avaient fait de lui quelqu'un que l'on pouvait aimer. Quelqu'un que l'on pouvait détester aussi, mais toujours pour des bonnes raisons.

Et puis Remus. Celui qui, malgré le fait que leurs avis divergent régulièrement, malgré son caractère bravache, malgré la difficulté à exprimer ce qu'il ressentait, l'avait toujours aimé et soutenu. Celui qui lui avait appris à aimer.

Il détailla son magnifique visage pour la centième fois. Il vit que Remus bougeait dans son sommeil et commença à paniquer. Et s'il souffrait ? Et s'il avait peur ? Et s'il avait besoin de quelqu'un d'autre ?

Le blessé ouvrit à demi ses yeux.

- Sirius... ? fit-il d'une voix pâteuse

- Oui, oui Moony c'est moi, tout va bien tu es en sécurité.

Le châtain se redressa doucement, un air de panique dans le regard. Il avait l'air parfaitement réveillé à présent.

- Tu vas bien ? Et les autres ils vont bien ? On a réussi à faire quelque chose ? Dis moi que tout le monde va bien.

- Shhhh, les autres sont avec Dumbledore, tout va bien.

Ce n'était pas techniquement un mensonge, mais il ne voulait pas inquiéter Remus plus que ça.

- Sirius...

- Oui ?

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je me souviens juste d'avoir eu très peur et très mal... Je crois que c'était...

Il ne put finir sa phrase. Sa voix se brisa et ses yeux se remplirent de larmes. Sirius changea de lit et le prit dans ses bras.

- Oui, tu as eu peur, tu as eu mal et tu étais face à la personne la plus horrible que je connaisse. Mais tu vas mieux d'accord ? Mme Pomfresh va te réparer et tout va bien se passer. Tu ne reverra plus jamais ce monstre.

Des larmes coulaient sur les joues de Remus et Sirius se retenait de pleurer aussi. Le châtain reprit la parole d'une voix branlante, entrecoupée de sanglots.

- Mais si... Si lui c'est un monstre... Alors moi aussi... On est tous les deux des abominable créatures...

Un frisson parcourut l'échine du jeune Black. Il resserra un instant son étreinte avant de se séparer. Il prit Remus par les épaules. Leurs têtes étaient à quinze centimètres l'une de l'autre.

- Remus Lupin regarde moi, dit-il, Tu es la personne la plus humaine que je connaisse. Tu partages ton corps avec une créature dangereuse et ce n'est absolument pas de ta faute. Greyback a fait le choix d'être un monstre sous sa forme humaine. Le loup garou en lui-même est une créature dangereuse, et encore le tien est presque mignon des fois. Quand je dis que c'est un monstre, je parle de lui hors des pleines lunes. Je parle de celui qui tue en pleine conscience. Je parle de celui qui attaque les enfants par vengeance.
Remus tu es une personne magnifique. Tu es gentil, drôle, attentionné, courageux, loyal... Tu tiens aux autres et tu vois le meilleur en chacun. Tu es la plus belle personne que je connaisse.
Alors s'il te plaît ne pense pas une chose pareille. Tu n'es pas un monstre. Tu n'es pas une mauvaise personne. Tu es une bonne personne à qui il est arrivé de mauvaises choses.

Il y eut un silence durant lequel les deux se fixaient dans les yeux. Si proches que leurs souffles se mêlaient. Sirius avaient rarement ressenti l'amour aussi fort. Son cœur tapait dans sa poitrine à lui en faire mal. Mais ce n'était pas le moment de torturer Remus avec l'idée que l'un de ses meilleurs amis était amoureux de lui.

Il releva la tête et prit Remus dans les bras. Celui ci serrait son cadet de toutes ses forces, pleurant à chaudes larmes.

Les minutes passèrent. Remus s'était détendu et était lové contre Sirius. Au bout d'un moment, sa respiration s'approfondit. Les yeux gris du jeune Black glissèrent sur le visage endormi et il caressa doucement les boucles de miel.

- Bonne nuit mon Moony, murmura-t-il

Les Maraudeurs - L'aube de la guerre (Wolfstar)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant