La lettre

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C'était un mercredi pluvieux. Je me sentais un peu mieux que d'habitude, je décidais de ranger ma chambre de fond en comble.

Depuis quelque temps, je déprimais sévèrement, ma pièce était naturellement devenue un dépotoir. Entre les peaux de bananes, les bouteilles d'alcool vides, les paquets de chips à moitié entamés et les habits sales, c'était le reflet parfait de ce qui se passait dans ma tête. Je profitais de ce sursaut d'énergie pour commencer mon grand ménage.

Je retrouvais des choses qui m'appartenaient et dont j'avais complètement oublié l'existence, comme une vieille radio qui fût ma seule amie pendant mes nuits les plus noires et mes journées les plus froides. Je n'écoutais plus de musique depuis longtemps. Parce qu'à chaque fois que je tombais sur une chanson mélancolique, toutes mes douleurs me revenaient d'un coup. C'était atrocement blessant.

Je dénichais aussi une photo de mes parents et moi, prise au cinquantième anniversaire de mon père. Nous étions en plein fou rire parce que j'avais ''accidentellement'' balancé une part de gâteau à la tête de mon oncle Phil. J'étais heureux.

Être heureux me manquait. Ma vie me manquait. Ma mère me manquait.

Je n'avais jamais pu me résoudre à faire mon deuil et à accepter que les morts ne reviennent pas, peu importe à quel point notre vie dépend de la leur.

Pendant que je souriais, ma vision se brouilla et une larme tomba sur la photo. Je la retournais pour la garder quand mes yeux embués et brûlants déchiffrèrent une inscription que je n'avais jamais remarquée auparavant. Dans le coin supérieur droit, il était écrit : « C2305 ».

Mon esprit vaseux et embrumé sortit temporairement de sa torpeur et se remit à fonctionner, essayant de comprendre à quoi ce code pouvait bien correspondre. Soudain, je me rappelai que ma mère était une maniaque de l'organisation et que tout était étiqueté et classé dans un ordre bien précis.

La structure du code me fit penser qu'il s'agissait de l'emplacement d'un livre ou d'un registre dans la bibliothèque familiale. Sans tarder, je m'y dirigeais. Nul besoin d'enfiler des vêtements, je vivais seul depuis le départ de mon géniteur. Son comportement avait changé dès le décès de ma mère puis, un jour, il partit sans ne me dire ni revoir ni où il allait et je n'essayai même pas de le retenir.

Je n'avais plus besoin de personne depuis que mon monde s'était écroulé.

Je humais l'odeur des vieux livres et, sans m'en rendre compte, je tombais sur l'emplacement indiqué sur la photo. Il y avait un classeur. Je le pris et l'emmena avec moi dans ma chambre. Il y avait beaucoup de documents mais aucun d'une importance capitale.

Je commençais à me dire que mon cerveau fatigué me jouait des tours lorsque je tombais sur un document manuscrit. Je reconnus immédiatement l'écriture de ma mère et commença ma lecture.

« Salut mon petit martien, »

Je compris que cette lettre m'était directement adressée. Quand j'étais en primaire, je me faisais souvent harceler à cause de mon intelligence et de mon physique assez atypique. Tout le monde m'appelait « le martien » depuis que j'avais affirmé qu'on ne pouvait pas exclure l'existence des extraterrestres. Mais ma mère, elle, m'a appris à m'accepter et m'assumer. Elle me surnommait affectueusement son petit martien et j'aimais qu'elle m'appelle comme ça.

« J'espère que tu prends soin de toi, que tu te nourris bien et que tu restes le beau jeune homme que tu as toujours été.»

Je m'arrêtais de lire pour jeter un coup d'œil circulaire à ma chambre. Ma mère aurait été bien déçue si elle voyait la loque humaine que j'étais devenue. Je continuais de lire.

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