La salle aux murs blancs

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_Tout ça c'est ta faute, papa...
_Crie plus fort.
_TOUT ÇA, C'EST TA FAUTE PAPA ! hurla ma fille de toute la force de ses poumons pendant que sa mère lui découpait l'auriculaire avec maladresse.

J'avais envie de lui dire que tout irait bien, de lui crier que j'allais la sortir de là, de lui faire comprendre que je souffrais infiniment plus que ce que son petit cerveau de fillette de 8 ans pouvait concevoir mais à quoi bon.

Je ne comprenais rien à ce qui se passait, je n'avais aucun contrôle.

Le cauchemar avait commencé une demi-heure plus tôt, lorsque je m'étais réveillé dans cette salle aux murs blancs. Je venais de reprendre mes esprits et je me sentais faible. Comme si j'avais été drogué. J'avais du mal à accéder à mes souvenirs et j'avais complètement perdu la notion du temps.

J'essayais de me mettre debout mais je constatais que j'étais ligoté avec des sangles à un fauteuil profondément encastré dans le sol et après plusieurs essais infructueux, j'abandonnais l'idée d'essayer de me libérer. Le miroir auquel je faisais face me renvoyait l'image de mes traits hagards, de ma barbe naissante, de mes yeux rougis et de mon air hébété.

Soudain, j'entendis la voix. Joviale mais avec une intonation caverneuse. Une intonation d'outre-tombe.

_Alors, bien dormi ?

J'essayais de ne pas perdre mon sang-froid. Il y avait sûrement des haut-parleurs et des micros qui permettaient de communiquer mais je n'en voyais aucun. Et puis cette voix semblable à celle d'un spectre m'inspirait une terreur viscérale malgré la banalité de ses propos et la sincérité de sa jovialité.

_Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Dis-je d'une voix que j'essayais de garder ferme.

_Je veux que vous assistiez à un spectacle préparé par mes soins. Accrochez-vous bien à votre siège surtout.

J'entendis son rire se répercuter dans mon crâne. Le miroir se mit soudain à perdre son effet sans tain. Je fermais les yeux pour me préparer psychologiquement à ce qui allait suivre. Je devais juste gagner du temps jusqu'à ce que ma femme alerte les autorités. Je devais survivre jusque-là.

J'ouvris les yeux et ce que je vis me glaça le sang.

Elle était là. Ma femme était là. Elle portait une magnifique robe de satin rouge assortie à son collier de rubis. Le rouge faisait ressortir le marron de ses yeux et j'aimais ses yeux. J'étais éperdument amoureux de son regard doux et candide. Mais cette fois, quelque chose clochait. Elle avait les yeux vides. Son regard ne laissait transparaître aucune émotion. Et à côté d'elle, il y avait notre petite fille. Elle avait vraiment l'air d'un petit ange. Elle était ligotée dans un fauteuil semblable au mien mais plus petit.

Je me mis à gigoter et à les appeler mais aucune d'elles ne réagissait.

_Calmez-vous. Votre femme est sous hypnose. J'ai donc un contrôle total sur son corps et son esprit. Et la petite est juste endormie.

Je sentais la colère bouillonner en moi.

_Espèce d'enculé de connard, relâche-les et viens on règle ça d'homme à homme.
_Je ne préfère pas. Je ne prendrais aucun plaisir à vous tuer comme ça, dit la voix avec cette intonation narquoise et suffisante.

Je ne pouvais rien faire contre lui. Je ne pouvais que subir.

_Vous êtes un malade.
_Non, je suis un génie.

Je n'arrivais pas à détacher mes yeux des seuls êtres que je n'aie jamais aimé. J'étais pétrifié par cette vision totalement surréaliste.

_Ma chère colombe, faites respirer un peu d'oxyde nitreux à la petite princesse s'il vous plaît.

Recueil de nouvelles IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant