Art. 9 | Forclusion

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Cady

La robe de ce matin remise, je garde un sourire scotché sur mon visage alors que je suis à la troisième coupe de champagne. J'ai déjà conversé avec trois femmes différentes qui ne me parlaient que de la nouvelle marque de rouge à lèvres de Rosie Statham. En fait, c'est ça ici. Les femmes parlent entres elles. Et les hommes entre eux. Je suis mise au rang de "la femme de" et cela ne me plait pas du tout. Je n'ai pas mis autant de temps à devenir procureur pour rester dans mon coin. J'inspire un bon coup et viens au milieu d'un groupe d'hommes qui me regardent avec un sourire. Comme s'il voulait me dissuader poliment de venir, mais pour rester courtois, ils continuent leur discussion et je comprends rapidement qu'il parle du scandale en bourse qui a eu lieu dans le nord, la semaine dernière.

— C'est plutôt parce qu'il fallait miser sur le Bronx, dis-je en attirant tous les yeux sur moi.

— Quoi ?

— Si vous vouliez gagner, il fallait tout miser sur le Bronx, la cote à 1,64 allait forcément descendre pendant l'entrée de l'Epinal, et remonter juste après.

L'un d'eux, avec une moustache grise peignée en l'air me regarde avec intérêt.

— C'est exact, qui aurait dit qu'une procureure était forte en bourse.

Je ne le suis pas particulièrement. J'aime la logique et j'ai suivi de loin sur la télé que Betty avait allumée en fond.

Mais je comprends autre chose. Ils savent exactement qui je suis, ce qui veut dire qu'il ne me voit pas comme une femme ennuyante, non, ils ont peur de ce que je pourrais découvrir sur eux. Corrompu ou non, je pourrais être une alliée qu'ils ne veulent pas se mettre à dos.

Une main vient se poser sur mon épaule, et je devine que c'est Bale. Il respecte surement ma demande et c'est pour ça qu'il attrape mon épaule et non ma hanche et se retient de tout commentaire. Il se contente de serrer des mains, et m'inclus dans leur discussion sur le lancement de Windsoor Corp. Je donne mon avis sur certains chiffres, et accompagnée de Bale, il m'amène à la salle des ordinateurs. Tout un mur d'écran montre les courbes et chiffres de la bourse en direct et j'en reste absorbée un bon moment.

Bale reste silencieux. Je sais que c'est parce que je lui ai demandé, mais je ne cesse de vouloir qu'il me parle. Ou qu'on se batte comme à notre habitude.

Il avait disparu tout le début de la soirée et maintenant que je le vois, j'ai l'impression qu'il se tient plus droit que tout à l'heure, j'imagine que s'il disait vrai, ce qui lui faisait mal est dorénavant réparé.

Il m'amène une assiette de petits fours et je commence à la dévorer, alors que Billy vient s'asseoir à côté de moi.

— Alors une journée dans le monde de la bourse vous a-t-elle convaincu ?

— Convaincu ?

— De rester auprès de Bale.

— Oh, je...

— Pas besoin de répondre. Les yeux ne trompent pas.

Je refuse surtout de répondre, car je ne veux pas lui mentir.

— J'ai appris que vous l'accompagniez dans l'est le week-end prochain d'ailleurs, bonne nouvelle.

Quand je pense ne plus pouvoir être surprise, Bale m'en rajoute encore.

Je me contente de sourire alors que le fantôme de mon passé tourne le visage vers nous et semble absorbé par notre discussion. Les gens avec lui n'ont pas remarqué qu'il n'avait plus l'attention de leur hôte.

NightwolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant