Art.13 | Batonnier

462 36 8
                                    


Cady

— Cady Pen, regardez-moi.

J'entends cette voix grave, presque robotique au loin, mais je n'arrive pas à sortir de ma torpeur. Je revois ce sang. Tout ce sang éparpillé sur le sol.

J'ai besoin de... il faut que je respire. Je suis en train de m'étouffer. Je me noie dans mon propre air bordel ! Je baisse les yeux sur mes mains qui tremblent, j'ai l'impression de les voir souillées d'hémoglobine qui ne veut pas s'enlever. Je continue à entendre les supplications de la voix, elle m'implore de revenir à moi, elle me supplie et me demande de réagir, de bouger et de respirer, mais je n'arrive pas. C'est comme si je venais de partir. Noyée entre le bien et le mal. Je revois ma mère. Je ressens tout ce qu'il me faisait. Ce qu'il m'a enlevé. Et aujourd'hui, c'est moi qui ai enlevé quelque chose. J'ai enlevé la vie. J'ai vu la lumière quittée cet homme et je l'ai regardé exploser sous ma balle.

Poc

Poc

Poc

C'est tout mon corps qui vibre et tremble, malgré cette chaleur qui me touche les épaules, cette lumière qui passe devant mes rétines. Je ne veux pas revenir. Je ne veux pas encore avoir à vivre ça... je ne veux plus les revoir. Je ne veux plus les sentir. Je ne veux plus me sentir impuissante.

— Il le méritait, rappelez-vous, rappelez-vous pourquoi.

Pourquoi ? Pourquoi... pourquoi....

L'homme. L'homme était un criminel. Un tourmenteur. Il envoyait des femmes à un sort pire que la mort et... il allait tirer sur lui. Sur mon.. Partenaire. Celui qui fait le sale boulot le soir et qui risque la prison pour que nous vivions dans une ville plus en paix. Est-ce que je recommencerai ? Est-ce que si je le trouvais encore une fois allongé, tenue par un autre homme, une arme pointée sur son visage, je ne le ferais pas ?

Non.

Je tirerais encore.

Il le méritait.

Ma respiration devient un tout petit peu plus lente, mais je n'arrive toujours pas à cligner des yeux.

— Eau... marmonnais-je.

— Vous voulez boire ?

Je secoue la tête frénétiquement.

— Chez moi, baignoire.

Je ne sais pas s'il comprend. Mais c'est la seule chose qui va me permettre de revenir sans que mon cerveau ne cède.

Je me sens soulevée de terre avant de perdre connaissance.

Je pars en paix, dans un monde noir, dans un monde où je n'ai pas son visage bleu au réveil, dans un monde où il n'est pas fautif, dans un monde où je joue au golf sous une chaleur parfaite. Dans un monde où j'entends au loin un chuchotement plaisant, qui me permet de fermer les yeux avec paix, dark hapinness, dit-il.

D'abord, les crocs de l'eau gelée m'encerclent et me picorent les pieds, puis ensuite le voile nacré remonte le long de mes jambes avant d'attaquer mon ventre et d'imbiber ma poitrine. Une fois parfaitement enveloppée, les glaçons grignotent ma peau et viennent en coalition contre mes membres. Et lentement, mes yeux s'ouvrent. D'abord, aveuglée par la lumière de ma salle de bain, je récupère vite mes esprits et me redresse en mettant mes bras autour de mon corps pour cacher ma nudité. Je le cherche. Mais seul le vide m'accueille. Personne n'est là.

Jamais.

Il m'a déshabillé, a trouvé le moyen de faire fonctionner ma baignoire et est parti. Une fois que mon corps est descendu à la température juste suffisante pour survivre. Je me lève et attrape une serviette. Je m'arrête devant le miroir de la vasque et je peux déceler mes lèvres bleues et mon teint pâle. Ça me fait toujours ça quand je l'utilise. La cryothérapie est la seule chose qui me permet de rester moi et de ne pas revenir cette fillette terrorisée au moindre son. Quand j'entre dans le salon, je remarque directement la fenêtre ouverte et pars la fermer, surprise par un de mes livres de droits ouvert contre le bois de l'embrasure.

NightwolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant