CHAPITRE VINGT-SEPT : MENDOZA

2 0 0
                                    

Eden

Jeudi 12 Janvier
20h30

Quatre ans, quatre années que je n'ai plus fêté mon anniversaire. Pourtant, en réalité, ça fait cinq ans que je n'ai plus le cœur à ça. Je ne me sens plus heureux de fêter une nouvelle année de plus.

Je n'ai pas attendu la vingtaine avant de ressentir la lassitude de ma vie.

Je vis chaque jour comme une suite d'événements s'enchaînant sans le moindre objectif. Tout est morose, sombre, sans saveur. Aucun éclat, aucun charme, aucun frétillement. Depuis cinq ans.

Un peu avant la mort de ma mère, tout est parti en vrille. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'état lamentable de ma vie de famille n'y est pour rien.

C'est vrai qu'on pourrait penser que j'ai une vie merdique.  Mon père trompait ma mère avec une de ses étudiantes, la même qui m'a séduit en premier et qui s'est rabattue sur mon père en essuyant mes refus. Quand on y réfléchit bien, si j'avais répondu à ses avances, mon père n'aurait pas trompé ma mère avec elle. Ma mère ne serait pas morte de chagrin. Ma famille ne serait pas totalement partie en vrille. Si seulement j'avais répondu à ses avances.

Avec des si on refait le monde.

J'en aurai tellement à utiliser pour rendre tout ça moins merdique.

Mais il ne me reste que des et.

Et je n'ai pas su voir l'état de ma mère.

Et je n'ai pas pu empêcher Yelena de séduire mon père.

Et elle est tombée enceinte.

Et ma mère est morte.

Et Rita est née.

Et mon père est mort.

Si ma petite sœur ne serait pas là pour maintenir ce semblant de famille liée. Je n'ose pas imaginer où je serais à cet instant.

Ma seule source de lumière dans ce monde obscure.

Elle me permet de garder ma stabilité. Elle me permet de me dire que j'ai une mission sur cette terre. La protéger. Elle me permet de vivre avec Yelena sans la tuer. Elle me permet d'accepter cette femme, si ambitieuse, qu'elle a détruit ma famille.

Parce que sans elle, sans Yelena, je n'aurais jamais connu le sentiment inflexible de fierté dès que Rita fait quelque chose. Ni cette envie irrépressible de la protéger. De la faire sourire. De la rendre heureuse.

Elle m'a permis de ne pas sombrer dans les méandres de ma noirceur.

Mais une chose que ce petit ange n'a jamais réussi à me rendre agréable, mon anniversaire.

Et cette année, pour fêter ma vingt-quatrième année, Yelena a décidé d'organiser une soirée en grande pompe.

Elle a invité tout le monde, toute l'équipe d'étudiants du laboratoire, tous mes cousins et les étudiants de ma promotion. Le grand salon de l'hôtel est rempli d'une cinquantaine de personnes, en plus du personnel. Je connais chacune des personnes présentes ici. Et fort heureusement, Yelena n'a invité aucun de mes anciens amis.

Je ne côtoie plus aucune de mes connaissances passées. Si bien, que mon plus vieil ami ici est Jacob.

Celui-ci arrive d'ailleurs, il s'installe sur la chaise à côté de moi. Je l'entends vaguement demander deux shooters de tequila au barman.

- Hermano, commençons la soirée avec un breuvage espagnol.

Je lève un sourcil à sa remarque.

ContactOù les histoires vivent. Découvrez maintenant