CHAPITRE DIX : YIN-YANG

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Gabrielle

Mercredi 04 Janvier

Sa voix suave me fait sursauter et je frissonne. Je peux deviner son sourire rien qu'à sa façon de parler. Puis-je devenir invisible ? Non toujours moldu.

- Depuis quand écoutes-tu les rumeurs ?

J'essaie de rester concentrée sur ma pipette. Je manipule des cellules vivantes. Je n'ai pas le droit de trembler. Même si sa présence dans mon dos tend mes muscles dans leur entièreté.

- Depuis qu'elles ne sont que calomnie.

Il se penche au-dessus de moi. Si bien que son visage n'est qu'à quelques millimètres du mien. Je tente de ne pas faiblir. Je me concentre sur ma manipulation. En faisant fi de son odeur de café, de cigarettes et de lessive qui m'empêche de respirer correctement.

- Soit plus douce. Les cellules non pas besoin de pâtir de ta colère.

Il passe son bras sous la hotte et attrape ma main droite avec laquelle je tiens la pipette. Il me guide dans mes gestes. Pressant graduellement mes doigts sur la poire, propulsant le liquide doucement. Il retire lentement ses doigts et s'éloigne de mon visage.

Je termine ma manipulation. Referme le milieu de culture. Et enfin je sors mes mains de sous la hotte. Je les cache sous mes cuisses. Pour ne pas montrer qu'elle tremble. Et je reprends ma respiration.

Depuis combien de temps, j'avais arrêté de respirer ?

- Les cellules sont fragiles. Il faut les traiter avec douceur.

Je sors de ma torpeur à l'entente de sa voix. Il se trouve en face de moi. Les mains dans les poches, nonchalant. Une colère nouvelle grimpe en moi. Et je rêve de l'étriper en ne sachant pas vraiment pourquoi.

- Si tu traitais tout le monde comme tu traites les cellules. Le monde s'en porterait bien mieux.

Il sourit, encore. Mon attaque ne l'atteint même pas.

- C'est mon devoir de te montrer comment procéder, ajoute-t-il avec professionnalisme.

- C'est quoi ton cirque ?

J'élève légèrement la voix. De toute manière, personne ne peut nous entendre ici. Nous sommes seuls. Sans aucun risque d'être dérangé. Cet isolement devrait m'effrayer davantage, sachant de quoi il est capable, et après ce qu'il s'est passé la veille et ce matin même. Mais pour l'instant, le fait d'être coupé du monde me donne plutôt des idées de meurtre très élaboré.

- De quel cirque tu parles ?

Il se replace sur sa jambe, étend ses épaules. Un masque de froideur peint son visage. Il est sur la défensive. Et ça prouve bien que tout ça n'est que mascarade.

- Tout ça ! Je m'écris. J'imagine la colère, déformer mes traits. Ce contrat, ces vidéos, Bellone_Advenit, ça ! J'explose en écartant les bras, ne parvenant pas à maintenir ma colère.

- Tu poses trop de questions sans prendre la peine de réfléchir, Mati. Si tu ouvrais juste un peu les yeux, tu verrais tout ce qu'il y a devant toi.

Je reste bouche bée et je le regarde s'en aller sans émettre la moindre protestation.

L'heure de quitter le travail arrive bien vite. Et l'angoisse de me retrouver aux côtés de Mendoza également. Lorsque je sors de la salle de génétique, je trouve mon coéquipier installé au bureau, concentré à taper sur son ordinateur.

J'ai réussi à l'éviter la majorité de la journée. Mais je ne peux pas me dérober face à ce qu'il va se passer. Je vais devoir écouter, comprendre et négocier avec un garagiste. Avec un Mendoza sûrement ravi de mon incompétence dans le domaine.

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