Les jours qui suivirent la dispute furent des plus silencieux. Charlie n'adressait plus la parole à Helja et ne la regardait même plus. Elle ne la laissa également pas approcher lorsqu'une douleur inexplicable au pied la réveilla en pleine nuit. Au milieu, Luba et Bastet essayaient tant bien que mal d'apaiser les tensions, mais cela semblait impossible.
La fin de la période du croissant de lune arrivait rapidement, apportant avec elle le froid, le vent et les journées qui se réduisaient. Les feuilles bleues des arbres étaient presque toutes tombées, formant des monts azur un peu partout en ville, et le soleil perdait en intensité. Ainsi, se promener dans les rues devenait plus agréable.
Chaque soir, les quatre compagnons se relayaient pour demander à la tavernière si elle avait entendu parler d'une mission qui pourrait les intéresser, mais pour l'heure, tout restait calme. Luba avait même questionné les petits villages voisins avec Charlie, qui ne voulait surtout pas être seule avec Helja. Cette dernière avait, en attendant, réussi à voler habilement quelques personnes, mais pas assez pour réunir la somme exigée par les sœurs de la sagesse.
La sorcière avait parcouru une bonne centaine de fois le grimoire afin de comprendre ce qu'il cachait, mais elle n'y décela rien, pas un indice pour expliquer pourquoi le roi en avait tant besoin, et ces nombreuses lectures n'eurent d'autre effet que de la replonger inlassablement dans le passé.
Elle s'appliquait silencieusement à ses tâches dans la bibliothèque, sous le regard intransigeant de Médée. Les cours théoriques étaient ce que la jeune fille détestait le plus. Assise sur une chaise inconfortable, à explorer les écrits de sorcières mortes depuis plusieurs cycles, rien ne s'avérait plus ennuyeux. Et alors qu'elle commençait à s'endormir, lisant pour la cinquième fois la même phrase, sa tutrice fit tomber un bouquin devant elle. D'un rouge profond, ses reliures de cuir semblaient boire la lumière du jour, tandis que sur sa couverture, trois cercles en argent s'entremêlaient.
— Tu vas m'étudier ceci maintenant.
— Quoi ? Encore ? pesta-t-elle. On ne pourrait pas plutôt retourner dehors pour que tu m'apprennes à me battre ?
La rousse tourna la tête et aperçut le soleil étincelant, dont les rayons perçaient la couche de poussière sur la fenêtre.
— Le savoir est une meilleure arme que le combat Helja, je te l'ai déjà répété. Les sorcières négligent souvent ce point pourtant crucial. Comment veux-tu survivre si tu ne maîtrises pas ton univers ? Comment veux-tu survivre si tu ne connais rien au monde et aux créatures qui l'habitent, leurs forces comme leurs faiblesses ? Dois-je te rappeler les mésaventures arrivées à la sorcière Chrystalline ?
— Non, c'est bon, j'ai compris.
— Crois-moi, cette histoire risque de changer ton point de vue d'une manière radicale.
Médée se tint droite face à son élève qui ne tenta pas de répliquer, sachant d'avance que c'était peine perdue.
— Maintenant, je te laisse une heure pour le lire, je reviendrai t'interroger dessus.
Et sur ces mots, la femme retourna un sablier qu'elle posa sur la table, face à son étudiante. Elle claqua des doigts et les rideaux se fermèrent, plongeant la pièce dans une semi-obscurité. Les bougies s'allumèrent presque aussitôt et lorsque Médée sortit, elle verrouilla la bibliothèque.
La fillette souffla longuement avant de porter son attention sur le livre. Elle l'ouvrit et aperçut sur la première feuille trois noms suivis d'une simple phrase qui en dévoilait déjà beaucoup sur l'importance de ce récit : Sihrla, Lilith et Lybova, la naissance de notre monde.

VOUS LISEZ
Sorcière I : Le livre de la vengeance
FantasyIl est bien difficile d'envisager l'avenir quand le passé s'enchevêtre au présent, même pour Helja, la sorcière la plus puissante du pays. Mais le jour où le roi l'engage pour un contrat des plus banals, tout son univers se retrouve irrémédiablement...