Chapitre 4 (partie 1/2) - Voler

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62e jour de la période du croissant de lune — 1338

Sitat [sitat] = Voler

Pendant les jours qui suivirent sa rencontre avec le roi, Helja resta enfermée dans une chambre louée sous un faux nom. Personne ne l'avait reconnue et elle put donc patienter en toute tranquillité.

Soit elle se reposait dans le lit qui lui semblait beaucoup trop petit, soit elle s'entraînait à frapper l'air avec des poignards, imaginant des ennemis. Elle ne voulait pas perdre de ses réflexes ni de sa dextérité.

Elle pensa contacter Bastet pour prendre de ses nouvelles et le tenir informé du déroulé de cette mission, mais elle s'abstint. Ce chat pouvait bien vivre quelque temps sans elle après tout.

Le matin du soixante-deuxième jour de la période du croissant de lune, Helja retrouva son cheval. Celui-ci fut déçu de quitter la compagnie de ses congénères et lui fit comprendre lorsqu'elle essaya de monter dessus.

— Écoute, lança-t-elle, si tu ne m'obéis pas, tu vas rapidement finir en saucisson.

L'animal se ravisa et alors, tous deux partirent d'Isla sous un soleil étincelant.

Le hameau de Masselia ne se trouvait qu'à quelques kilomètres. Après une heure de route, elle posa pied aux abords d'une bourgade exiguë qui ne comptait que treize petits bâtiments, tous édifiés pour former un cercle. Au centre siégeait une place anodine avec un puits et un banc. Un lourd silence régnait dans cette bourgade totalement désert. Idéal pour une transaction qui doit rester la plus discrète possible, songea Helja.

La grande majorité des constructions semblaient être des habitations et il n'y avait pas l'ombre d'un sanctuaire dans le coin, ce qui paraissait plutôt étrange. Les humains vouaient une réelle adoration pour leur déesse Lybova.

La sorcière attacha sa monture à un emplacement désigné, puis s'enfonça au cœur de la bourgade. Chacun des édifices arborait un numéro et un nom. La Taverne de la Tête à trois Yeux, la sixième, se situait juste entre la Maison des Reflets Perdus et la Résidence des Égorgés.

Alors qu'elle avançait vers le point de rendez-vous, une porte s'ouvrit au loin. Un homme âgé, la mâchoire beaucoup trop large, sortit de chez lui. Il possédait d'horribles vêtements usés et déchirés par endroits. Sans faire attention à elle, le vieillard alla s'asseoir sur une chaise, les yeux rivés sur le puits. Il cala une pipe entre ses deux seules dents et commença à fumer.

Helja se détourna et continua sa route. Elle monta les marches du perron puis entra dans la taverne, une main sur un de ses poignards.

L'intérieur ressemblait exactement à ce à quoi elle s'attendait. Un antique comptoir ignoble et malodorant derrière lequel se tenait un barman à l'allure douteuse. Cinq hommes sirotaient une bière sans bulle, en silence et le regard perdu dans le vide.

— Bonjour les ivrognes, marmonna Helja.

— Vous avez dit quelque chose ma petite dame ? beugla celui qui essuyait un verre noir de crasse avec un torchon encore plus sale.

— Non rien... Enfin, donnez-moi euh... une bière.

La femme au manteau sombre et aux cheveux rouges n'était pas encore là. Helja attrapa la bière chaude, paya le serveur qui devait mesurer plus de deux mètres et dont les bras avaient l'air aussi gros que la cuisse d'un bœuf, puis alla vers le fond de la taverne. Tous les regards se braquèrent sur elle et lorsqu'elle défia un des villageois de continuer de la dévisager, celui-ci baissa aussitôt la tête vers son verre à moitié vide.

Sorcière I : Le livre de la vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant