Chapitre 2 (partie 2/2) - Souvenir

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Il fallait seulement vingt minutes pour rejoindre le village le plus proche. Mais avant de passer sous l'arche en pierre qui marquait l'entrée de la bourgade, Helja s'arrêta un instant. Elle attacha sa bête au tronc d'un arbre puis se tourna vers la multitude de bâtiments qui s'étalait devant elle. Les maisons, de tailles variées, se ressemblaient toutes comme deux gouttes de potion, avec leurs structures en bois décrépites et leurs toits de chaume déformés. Les chemins de poussière s'allongeaient entre les résidences, où des paysans vêtus de haillons s'affairaient.

Helja s'avança sous les hennissements de protestation du cheval.

— Ne râle pas, voyons. Je n'en aurai que pour une heure, tout au plus.

L'étalon ne semblait pas en démordre et recommença à se plaindre. N'écoutant qu'elle, elle continua sa route. Elle glissa une main sur sa cuisse, se réjouissant que son poignard préféré se trouvait toujours là. Elle pouvait ainsi le dégainer en cas de besoin.

Dès lors qu'elle avait franchi l'arche, Helja sentit tous les yeux rivés sur elle, mais comme à son habitude, elle ne fit pas attention. La sorcière la plus puissante du pays était bien connue en ville. Tous étaient au courant qu'elle vivait dans les environs puisque c'est ici qu'elle se ravitaillait le plus souvent. Et tous la craignaient, car ils savaient de quoi elle était capable. La plupart lui lançaient des regards en biais et chuchotaient sur son passage, mais jamais personne ne venait l'aborder sans avoir une requête à lui demander, ce qui lui convenait très bien.

Arrivant au niveau de la place centrale, Helja observa quelques instants la fontaine aux eaux dansantes qui semblaient murmurer. Elle représentait une immense chaise en marbre poli où un grand homme était assis, une couronne gigantesque sur le crâne. Un jet turquoise coulait de son sceptre et tombait en petit clapotis dans le bassin.

Des sculptures de cette envergure, le roi de Gallia, nommé Gargoth, en avait fait ériger dans presque toutes les cités de son royaume. Pour autant que puisse se remémorer Helja, il était toujours resté au pouvoir, bien que son règne ait souvent été critiqué par le peuple. En effet, son impéritie avait conduit à rendre les riches encore plus riches et les pauvres d'autant plus pauvres. Mais la force imposante de son armée parvenait à étouffer toute idée de révolte et obligeait la population à trimer pour survivre.

Helja n'éprouvait aucun intérêt pour lui, enfreignant les lois quand bon lui chantait, mais elle devait avouer qu'elle admirait la façon dont un simple humain pouvait inspirer une telle peur et une telle colère sur le continent. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'il insufflait autant de crainte qu'elle, loin de là, mais elle le plaçait tout de même juste en dessous.

Détachant son regard de l'eau qui coulait sans jamais s'arrêter, Helja tourna vers la droite. Elle marcha quelques mètres, passa devant une porcherie où de gros cochons recouverts de boue provoquaient un véritable vacarme, puis poussa la porte d'un commerçant. Le son d'une cloche retentit puis une voix s'éleva de la pièce voisine.

— J'arrive tout de suite, cria un homme. Je finis ce que je suis en train de faire... et voilà. Alors qu'est-ce que je peux pour... mais il ne termina pas sa phrase, ses yeux grands ouverts braqués sur le visage d'Helja.

Ses longs cheveux roux clair se perdaient dans sa barbe tout aussi touffue et un tablier taché d'un liquide écarlate marquait son énorme ventre.

Il sembla paniquer quelques instants, son regard se détournant de la femme pour se poser sur un grand couteau, puis il se ressaisit. Bien que des gouttes de sueur commençaient à perler sur son front ridé, il essaya d'adopter un ton autoritaire et froid.

Sorcière I : Le livre de la vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant