Chapitre 3

126 22 8
                                    

CALYPSO

Lorsque D. s'était déconnectée du réseau, Calypso n'avait pas attendu longtemps pour en faire de même. C'était arrivé si brutalement qu'il s'était demandé si ses supérieurs n'étaient pas précipitamment entrés dans son bureau. Il se souciait de D. parce qu'elle lui avait accordé sa confiance et qu'ils étaient désormais dans le même bateau. Calypso ne pouvait supporter l'idée qu'il lui arrive quelque chose par sa faute. Il était allé la chercher, il était garant de sa sécurité. Mais certaines choses pouvaient lui échapper aussi, il était bien trop intelligent pour ne pas prendre ce facteur en compte. Dans ces moments-là, il valait mieux qu'il garde ses distances et qu'il ne la relance pas. Elle le ferait probablement d'elle-même. On ne lui en laissa de toutes façons pas le temps ; la porte de sa chambre s'ouvrit dans un « pshh » sonore et il découvrit sa sœur haletante, à l'entrée. Il n'y avait qu'elle pour le prendre par surprise, car il lui avait autorisé l'accès.

Calypso abandonna ses écrans et le chat noir sur ses genoux pour retrouver celle qui s'époumonait presque.

— Pink ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Haa... tu... Calypso... faut que tu viennes ! C'est le District 3... c'est Wolx !

Calypso n'avait aucune responsabilité envers le District 3, mais Pink ne serait pas venue aussi affolée s'il ne se passait rien de grave. Wolx était la principale préoccupation de Calypso, en tout cas, en dehors de l'enquête qu'il menait avec D. Ils traversèrent précipitamment les étroits couloirs où pendaient de nombreux câbles, les masques sur le nez. L'oxygène n'était pas beaucoup présente dans les souterrains, mieux valait économiser les ressources qu'ils avaient pu détourner de la surface. En l'occurrence, les bidonvilles où ils vivaient, plutôt que les allées. Parce que si Iris vendait les bienfaits d'Atlas, on ne parlait pas des souterrains, jamais. Une zone sinistre et abandonnée où se réunissaient les rats infestés de maladies contagieuses dont personne ne voulait entendre parler. Le refuge des Radiés. Ceux qui n'avaient pas le droit de vivre.

Calypso retrouva ses semblables dans un des hall abandonnés du souterrain. Ils avaient longtemps décidé qu'il s'agissait du point de ralliement entre le District 3 et 4, dont Calypso avait la charge. C'était tout naturellement que les deux chefs se rencontrèrent là-bas. Il reconnut Gideon, le nouveau chef du District 3, et sa bande, ainsi que Bee. Impossible de passer à côté avec sa tenue orange criarde et ses nombreux piercings. Elle était toujours là quand il y avait un problème. Parfois, Calypso se demandait si elle n'était justement pas la raison de tous ces problèmes. Il n'eut même pas le temps d'abaisser son masque que Gideon se précipita vers lui, le visage tiré par la colère.

— Des caisses vides ! C'est avec ça que tu comptais nous rationner ?!

— Comment ça, des caisses vides ?

Il tourna la tête vers les acolytes de Gideon qui donnèrent de violents coups de rangers dans les caisses. Elles sonnaient creuses et se renversèrent aussitôt, ne dévoilant aucun contenu. Calypso fronça les sourcils, le cerveau déjà en marche pour analyser la situation et tous les facteurs liés à celle-ci. Gideon l'attrapa par le col et le menaça de son poing.

— Comment tu vas rattraper le coup, hein ?! J'ai un district à nourrir ! On a plus de rations pour tenir la semaine !

Bee se saisit du bras de Gideon et l'empoigna si fort qu'il laissa échapper un cri aigu. Il relâcha aussitôt Calypso.

— Toi, grogna-t-elle en se mettant entre eux, lève encore la main sur lui et je te pète la gueule !

Bee était à la fois la garde du corps auto-déclarée de Calypso, son chef de district, mais aussi sa meilleure amie. Il ne l'avait pas voulue. Elle s'était imposée à lui et il avait fini par s'habituer à sa présence. Tous ceux qui connaissaient Bee savaient qu'il ne fallait pas lever la main sur son chef. Mais Gideon avait le sang chaud et Calypso savait qu'il devait être dans l'incapacité d'aligner deux neurones compte tenu de la situation.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant