Chapitre 2

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KALINA

Kalina dut laisser l'enquête de côté le reste de l'après-midi et il lui avait paru atrocement long. Même l'enregistrement du rapport suite à son désastreux interrogatoire lui avait été interminable. Puisqu'aucun de ses supérieurs ne savaient qu'elle poursuivait l'enquête d'Éléanore et bien plus encore, elle devait se soucier de la gestion administrative qu'elle ne pouvait malheureusement pas mettre de côté. Entre autres, les dossiers mineurs qui ne l'intéressaient pas. Elle fut tout de même soulagée que l'enquête sur Calypso ne lui avait pas été attribuée et dépendait d'autres instances. Si ça avait été le cas, jouer double jeu aurait été bien plus compliqué que prévu. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander où ils en étaient... Dans ces moments-là, l'inquiétude se faisait plus intense. Après tout, Calypso n'était pas intouchable, n'est-ce pas ?

Après dix-huit heures, Kalina dû retrouver le Dr Vortio. Elle la tenait en horreur. La psychologue n'était pas mauvaise, mais elle était un des barreaux de la cage qui maintenait ses sentiments emprisonnés.

— Aujourd'hui, comment vous sentez-vous ?

Kalina avait fini par mentir. D'abord, elle lui avait fait confiance. Elle avait cru dur comme fer que ces séances lui auraient été bénéfiques. Alors elle s'était confiée sur tous ses doutes, tous ses sentiments... Mais depuis sa rencontre avec Calypso, c'était différent. Elle taisait tout. Elle masquait. Cela relevait presque d'une torture. Mais elle ne pouvait pas y couper. Le secret médical ? Il n'existait pas non plus. L'État contrôlait tout et s'ils avaient jugé nécessaire à Kalina de suivre ces séances, c'est parce qu'ils estimaient qu'elle était fragile. Qu'elle pouvait rompre l'ordre établi. Elle avait du sang d'Azur, leur mission était de la conditionner comme tous ceux de son rang. Mais ils se trompaient, elle n'était pas faible, elle ne s'était jamais sentie aussi forte depuis Calypso.

— Très bien.
— Le travail ne vous préoccupe pas ?
— Pas tellement.
— Vous n'avez pas ressenti...

Venez-en au fait, Dr Vortio.

— Du doute ? Une certaine... empathie envers les affaires que vous gérez ? Ce n'est pas évident. La disparition d'un semblable... quelle épreuve.

Si. L'insulte qu'on lui avait crachée avait eu l'effet d'un coup de poignard. Elle avait ressenti une forme d'angoisse à l'idée de laisser transparaître ses emotions et quand Calypso l'avait contactée, son cœur s'était emballé comme jamais. Quand elle avait eu un aperçu des vidéos et des documents qu'il lui avait envoyés, elle s'était mise à douter. Du Gouvernement. D'Atlas. De la culpabilité de son suspect. Et tout cela depuis des mois. Tout cela à propos d'une personne : Éléanore, l'Azur disparue. Disparaîtrait-elle, elle aussi, si on considérait qu'elle était une déviante ? Après tout, elle seule savait que l'Etat était impliquée dans le cas Éléanore et si elle ignorait les raisons, son imagination faisait le travail à sa place.

— Non, je vais beaucoup mieux. Je comprends quel est mon travail et l'importance de mon rang dans notre société. Atlas a besoin de moi et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour préserver ma nation.

Le Dr Vortio étira un sourire. Elle avait les cheveux d'un blanc immaculé propre aux Azurs et des yeux d'un bleu envoûtant. Mais sa coupe au carrée lui donnait un air stricte et les rides sous ses yeux n'inspiraient pas vraiment la confiance ; quand elle souriait, ils lui donnaient un air mesquin. Kalina sourit en retour et elle espéra fortement que la perspicacité de la femme en face d'elle ne pourrait y déceler ses mensonges.

— Vous savez, reprit Vortio, il n'est pas toujours évident de s'intégrer, surtout dans un milieu aussi...

Elle marqua une pause et désigna l'environnement qui entourait les deux femmes. Des canapés blancs. Un bureau blanc. Des murs blancs. Un petit pot de fleur, qu'un robot arrosait. Tout était propre. Un brumisateur évacuait un peu d'encens. Une odeur... qu'on disait propre aux tropiques de l'ancienne Terre. Mais, aucune d'entre elles ne pouvait vraiment le savoir. Puisque Kalina suivait son geste en silence, Vortio laissa retomber sa phrase laissée trop longtemps en suspens :

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant