Chapitre 8

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Kalina lui posait des questions précises, presque calculées, et Amaury n'était pas aveugle ; il avait aussi remarqué son regard scrutateur et insistant. Elle cherchait un détail, le moindre faux pas qui lui confirmerait ses soupçons. Elle se mouvait près de lui d'une manière qui trahissait à la fois son désir de lui faire confiance et la peur de s'être trompée à son sujet. Le hacker n'avait aucune intention de confirmer ses soupçons, aussi, essayait-il d'agir comme Amaury le ferait. Amaury songea que si Kalina avait très vite fait le rapprochement entre lui et Calypso, c'est parce qu'elle ne côtoyait aucun autre hacker - et Atlas n'était pas bien grande. Pourtant, il était convaincu que n'importe qui aurait pu pénétrer le système de contrôle du vaisseau, surtout à l'aide d'une puce qui générait des codes d'accès et permettait d'exploiter les failles du navire. Puce de sa conception. Et dans sa hâte, il avait peut-être aussi oublié un point important, crucial - ironique, quand on le savait doté d'une mémoire absolue : ils se trouvaient à bord du Star Hunter. Ce n'était pas n'importe quel vaisseau.

Les longs couloirs qui s'étendaient devant et derrière eux menaient aux différentes zones du navire, dont les quartiers privées de l'équipage, des zones de stockage et surtout, la salle de contrôle. Amaury avait mémorisé la carte. Normalement, ils s'étaient trouvés dans une salle de repos, et se situaient non loin d'une salle de sport, des vestiaires et de quelques chambres. Ils devraient longer le couloir jusqu'au premier angle, tourner à droite, et continuer tout droit après la troisième salle. Et comme il n'était jamais trop prudent, - il avait fait suffisamment de faux pas ces dernières heures, Amaury avait veillé à verrouiller tous les accès quand il s'était assuré que personne ne se trouvait dans les couloirs. Le silence régnait dans le vaisseau mais tous deux savaient que ce n'était qu'une question de minutes.  Lorsqu'il s'en rendrait compte, l'équipage ne tarderait pas à s'affairer.

— On n'a pas beaucoup de temps, lâcha-t-il en boitant.
— Tu as besoin d'aide ?

Kalina déposa une main altruiste sur son épaule.  Dans un sursaut, Amaury la repoussa vivement. Elle sursauta à son tour et ils restèrent hébétés un court instant.

— M-me touche pas... ! bégaya-t-il, perplexe.
— Pardon...

La Lieutenant se montra confuse, mais préféra ne pas le brusquer davantage. En y songeant, elle trouva sa démarche stupide. Elle-même aurait repoussé celui ou celle qui l'aurait touché, même pour l'aider. Elle ne dit plus rien de la traversée du premier couloir, scrutant avec attention la silhouette devant elle. Elle le suivait d'une démarche peu assurée, se demandant s'ils n'allaient pas se faire chopper à l'angle d'un couloir.

L'adrénaline de l'instant avait quand même quelque chose d'exaltant, le goût de l'aventure comme elle en avait toujours rêvé. Ce n'était qu'avec Calypso qu'elle se sentait rassurée à l'idée de braver les interdits. L'homme qui l'accompagnait, qui la menait au devant du danger, était peut-être son hacker. Mais si c'était le cas, alors il se montrait vraiment méfiant envers elle. Il avait de quoi : elle l'avait poursuivi dans les docks et la douleur à sa cheville était de son fait. S'il s'agissait vraiment de Calypso, elle n'osa pas le lui demander franchement. Personne ne devait savoir qu'elle s'était alliée à un cybercriminel pour une enquête hautement confidentielle. Lui même devait craindre pour son identité et elle devait se montrer prudente. Mais d'un autre côté, Kalina finit par penser qu'elle se trompait. Sans doute. Calypso savait qui elle était, alors qu'elle-même ignorait tout de lui. Ne se serait-il pas présenté sous son pseudonyme, afin qu'elle le reconnaisse et qu'ils s'allient dans cette épreuve comme ils le faisaient toujours à distance ? Amaury n'était peut-être qu'Amaury.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant