Une Touche de Bleu et de Noir

Chapitre 15

Ils arriveraient bientôt sur Starbite et Kalina ne comptait pas laisser la situation telle qu'elle était. Elle devait affronter le problème par sa racine, c'était l'unique solution pour retirer le poids sur sa conscience. Ou d'en cultiver un nouveau, parce que rien ne garantissait qu'Amaury serait ouvert à l'échange. Quand elle demanda à quelques strikers parqués au milieu d'un couloir où il pouvait bien être, il l'ignorèrent. C'eût été une véritable épreuve pour elle. Dans une colonie aussi disciplinée qu'Atlas, elle n'avait jamais vraiment eu affaire à toute une bande d'hommes et de femmes à l'allure sauvage et vagabonde. Quand elle posait des questions, on lui répondait, et toujours de manière polie. On la remarquait même quand elle voulait se faire discrète, grâce à ses yeux et à son uniforme brillant. Ici, elle était sûrement méprisée et le seul qui voulait bien d'elle était un homuncule. Il restait humain, bien qu'artificiellement né, mais ça lui fit de la peine quand même.

Les strikers l'intimidaient sincèrement et leur regard était perçant. Ils n'aimaient pas l'autorité impeccablement blanche des agents de la SSA et encore moins celle de la Military Corp. Mais Kalina prit sur elle. Elle afficha une expression un peu plus confiante, surtout pour se rassurer elle même et éviter de se faire dévorer toute crue. Elle reformula sa question avec un « s'il vous plaît » qu'elle espérait convaincant. Son rang de Lieutenant ne valait rien ici, elle n'était pas stupide pour abuser d'un semblant d'autorité sur eux. S'ils refuseraient de lui répondre, elle s'en irait. Elle espérait que sa tenue actuelle leur ferait comprendre qu'elle n'avait rien à voir avec l'agent qu'ils avaient enlevé trois jours plus tôt. Mais, à nouveau, ils l'avaient ignorée, après l'avoir dévisagée de bas en haut comme une bête de foire. Ils se concentrèrent sur leur partie de cartes, la fumée de leurs vapoteuses envahissant le couloir. Quand elle entama un demi-tour le coeur lourd, finalement, l'un d'entre eux se détacha du groupe. Le crâne entièrement rasé et peint de différentes spirales, il lui indiqua que leur médecin pourrait peut-être lui répondre, car ils ne voyaient jamais vraiment le radié.

Quand elle se rendit à l'infirmerie, la médecin à bord ne se montra pas du tout sympathique. C'était la première fois que Kalina voyait une femme avec autant de piercing. Ses yeux étaient noir, mais ça ne lui fit pas le même effet qu'avec Amaury. Pendant que Kalina expliqua qu'elle voulait s'excuser personnellement auprès du radié, Lise l'avait dévisagée de haut en bas comme si elle représentait à elle seule une monstruosité sans nom. Puis, elle l'avait embarquée dans un « suis-moi » agressif. Nul doute qu'elle la méprisait, elle aussi.

— Hey, t'as de la visite.

La porte était ouverte. Kalina ne se rappela pas être passée devant mais elle reconnut aussitôt la pièce. Elle y avait passée plusieurs heures trois jours plus tôt, s'étant demandée ce qui allait lui arriver. Ça lui raviva de mauvais souvenirs. Amaury était assis face à une table en acier inoxydable, où débordait tout un tas d'outils et d'autres trucs qu'elle n'identifia pas vraiment. S'avançant prudemment, Kalina analysa ce qui l'entourait et ce qu'il trafiquait. Elle était soulagée de voir un visage familier même s'ils ne s'entendaient pas vraiment. C'est pour ça qu'elle était là, après tout.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Une voix grave et pénétrante, agréable à entendre, mais pourtant froide. Il n'avait pas l'air enchanté de la voir.

— Je...

Son cœur battait à tout rompre. Elle ne savait pas si c'était parce qu'elle pensait qu'il s'agissait de Calypso en face, mais le voir et l'entendre d'aussi près la rendit tout à coup nerveuse. Elle repensait à son corps contre le sien, sa fragilité et ses yeux noirs inquiets. Ses yeux noirs. Décidément, elle ne parvint pas à les sortir de sa tête. Ils la captivaient. Mais Amaury ne les montra pas, il ne lui accorda pas un seul regard. Il était concentré sur une prothèse qu'il assemblait.