Chapitre 28

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Amaury patientait assis dans le couloir principal, près de la sortie du vaisseau. Sur sa montre, il était indiqué 04:00. Il l'avait caché dans la poche de sa veste, ayant longuement réfléchi à s'il devait la prendre ou non. Il avait finalement jugé que oui, comme un gage de sûreté. Son moebus était sa seule arme après tout. 

Il n'avait pas dormi de la nuit ; bon camarade avec l'insomnie, mais surtout beaucoup trop nerveux. Comment aurait-il pu fermer les yeux alors qu'on l'aurait tiré du lit quelques heures après, pour le lancer dans une mission-suicide ? Et puis, il avait ressassé son entrevue avec Kalina...

Celle-ci arriva justement, vêtue d'un cargo et d'un débardeur noir. Vêtue de cette façon, elle ressemblait beaucoup plus aux Striker. Elle avait enfilé son petit gilet blanc par dessus ses épaules nues. Amaury se leva brusquement et manqua de retomber. Il se rattrapa maladroitement contre le mur puis enfouit à nouveau ses mains dans ses poches. 

La conversation de la veille était encore fraiche dans leur tête.

 Amaury avait revu son plan dès l'instant où Kalina avait fondu en larmes devant lui ; il ne voulait plus la revoir pleurer, surtout par sa faute. Prendre ses distances avait de toute façon été un échec, car elle était aussi têtue que lui.

Il n'était pas... Il n'était pas quelqu'un de doux ni de vraiment gentil. Il n'avait rien d'agréable, rien de charmant non plus et ses paroles étaient toujours amères. Mais avec Kalina, c'était différent. Il avait pris l'habitude d'échanger avec elle derrière ses écrans, et s'exprimer de cette manière était plus facile. C'était comme s'il avait été quelqu'un d'autre : Kalina n'avait aucune d'idée d'à quoi il ressemblait, de la véritable image qu'il dégageait.

Sur le Star Hunter, il l'avait rejetée et s'était montré encore plus froid qu'il ne l'était déjà,  parce qu'il voulait rester loin d'elle. Mais elle ne méritait pas ce traitement. Il ne ressentait jamais de culpabilité quand il blessait quelqu'un - à peine quand ça concernait sa sœur. Quand il s'excusait, c'était surtout parce qu'il s'agissait d'une solution pour mettre un terme à un conflit. Malgré ce qu'elle en avait pensé, il avait formulé des excuses sincères, et il s'en voulait vraiment. Il ne voulait pas lui faire du mal mais il ne voulait pas non plus que Kalina bouleverse toute sa façon d'être.

Il ignorait ce qu'il pensait d'elle, par contre, il était certain d'une chose : il voulait continuer à la protéger. De lui, de Wolx, des autres... 

Avant ça, il devait pouvoir lui prouver qu'elle pouvait se fier à lui. Il n'était peut-être pas aimable, ni serviable, ni gentil, ni modeste, ni délicat, ni drôle, ni toutes ces qualités qu'on appréciait chez les gens. Mais on pouvait lui faire confiance, malgré ses secrets.

Calypso ne trahirait jamais Kalina. 

La saluer lui avait demandé énormément d'efforts. Il s'était répété la discussion dans sa tête —quinze fois exactement. Jamais de sa vie il n'aurait pensé réfléchir à quels mots assembler pour former une phrase contre-productive, nécessaire à la cohabitation humaine. Lui n'initiait jamais la prise de contact, en tout cas pas verbalement. Il était beaucoup plus à l'aise avec ses ordinateurs. Sauf que c'était impossible !

« Salut, ça va ? » sonnait trop présomptueux, pourtant c'était tout lui et il l'aurait probablement dit sur la chatbox. Mais dans son bégaiement et à force de trop réfléchir, il avait lancé une salutation complètement différente. Il l'avait lancé dans un entrain si maladroit, que sa voix s'était cassée comme un adolescent en pleine mue.

Pas besoin d'en ressentir les effets pour savoir qu'il avait honte.

— B-bonjour, Kalina !

Kalina parut surprise. Elle s'arrêta devant lui, d'abord hésitante, avant d'étirer un grand sourire. Contrairement à lui, elle n'avait pas de cernes sous yeux. Elle avait dû bien dormir.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant