Chapitre 12

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KALINA

— Lieutenant Day, quelle surprise !

Robby se tenait assis entre les nombreux écrans holographiques qui l'entouraient. En plus de l'espace derrière la vitre face à lui, qui plongeait la pièce dans la pénombre, Robby pouvait percevoir sur ses nombreux écrans la traversée du Star Hunter. Actuellement, il avait une jambe appuyée contre l'accoudoir de son fauteuil et un coude posé négligemment sur le second. Il grignotait des chips et ses yeux bleus brillaient avec les reflets des écrans. Eux seuls apportaient une luminosité suffisante pour y voir clairement dans la salle de contrôle.

— La porte était ouverte... se défendit Kalina, n'osant pas approcher.

— Je sais, en fait je vous ai vu arriver sur les caméras de surveillance. Entrez, je vous en prie.

Donc, une surprise par si surprenante que ça. S'occupait-il de la sécurité en plus du pilotage ? L'équipage était assez nombreux, Kalina se demandait quel était vraiment le rôle de chacun. L'organisation semblait décousue.

Wolx lui avait dit de retrouver Robby si elle voulait du travail. Contrairement à Amaury qui avait mémorisé l'intérieur du vaisseau (elle ignorait comment), Kalina n'était pas douée d'orientation quand tout ce qui se dévoilait à elle lui était à la fois inconnu et identique. Pour trouver Robby, elle s'était fiée à ce que lui avait dit Wolx : « vous savez p'tet' contrôler et naviguer un vaisseau spatial, ce qui permettrait à Robby de lever un peu le pied ? »

— C'est vous seul qui tenez la barre ? demanda Kalina en rentrant.

— Pas tout à fait. On se relaie avec Wolx. Il reste le commandant, après tout. Venez, prenez ma place.

D'abord hésitante, Robby ne lui laissa pas le choix. Il se leva de son fauteuil et l'invita à s'installer face aux commandes. Une certaine nervosité gonfla dans sa poitrine. Ne pouvait elle pas juste... rester en retrait, sur le siège du second ? L'obscurité devant elle, les écrans verts et lumineux devant ses yeux, tout l'impressionnait car elle ne pouvait y exercer le moindre contrôle.

— C'est plutôt tranquille, pour le moment, dit Robby.

— C'est pas un peu stressant de devoir affronter l'inconnu devant vous ?

— Ne vous en faites pas pour ça, j'ai les qualifications requises. Et puis... (il sourit et s'assit à l'angle d'un panneau de contrôle, là où ses fesses ne perturberaient pas l'affichage des écrans.) je suis un azur donc, je ne ressens pas vraiment ce que vous appelez la « pression ».

Ces simples mots suffirent à rappeler à Kalina qu'elle n'était pas une véritable azur. Elle n'en n'avait jamais douté, bien sûr, c'était là l'essence même de tous ses conflits intérieurs. Doute, culpabilité, angoisse... Elle était pourvue de toutes ces émotions et tous ces sentiments typiquement humains que l'évolution voulait faire disparaître. Les azurs avaient d'abord été créé pour rendre l'être humain « parfait », mais la définition du mot « parfait » restait assez vague et évoluait au fil des époques. Dans l'esprit des uns, c'était quelqu'un dépourvu de défauts, dans ses traits physiques et dans son caractère : quelqu'un d'incroyablement bon, d'altruiste, d'intelligent et aux traits angéliques. Puis, il y avait ceux qu'on disait parfait, car ils étaient capables de diriger, de réparer les erreurs du passé ou de les surmonter. Un genre essentiel à la survie de l'humanité. Des leaders nés, des savants et des génies inégalés. Calypso était sûrement de ces gens là, ce qui la rendait d'autant plus confuse sur son identité.

Malheureusement, Kalina se trouvait assise entre deux chaises. Ses yeux bleus lumineux témoignaient l'appartenance à la race azurienne, mais qu'à demi, car tout le reste était profondément humain. Son cœur notamment, sensible, humble et empathique. Fragile. Faillible. Elle avait l'impression que sa place n'était pas là où on l'obligeait à aller, et, à cause de ça, elle maudissait ses yeux et son QI plus élevé que la moyenne. Des chiffres qui devaient mesurer sa capacité à agir avec intelligence, alors que, souvent, à côté de tous ces ingénieurs et de ces gens compétents, elle se sentait juste stupide. Robby, qui l'avait observée en silence, l'aida finalement à se dépêtrer de ses réflexions.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant