La vie sur le Star Hunter allait bon train. Des strikers qu'ils n'avaient jamais croisé s'affairaient dans le vaisseau. Leur tenue sombre parsemée de clous et de sangles et leurs tatouages rebelles les rendaient intimidants. Certains vaquaient à leurs occupations, d'autres avaient terminé leurs tâches quotidiennes. Ceux qui prenaient une pause vapotaient, riaient, se disputaient et jouaient aux jeux. Des cartes, le Mah-jong, un plateau d'échecs... De véritables pièces, qu'ils déplaçaient réellement. Ça n'avait pas échappé à Kalina, surprise, habituée au monde virtuel d'Atlas.
— Ce sont de vraies pièces ? De vraies cartes ?
Elle ne s'attendait pas à recevoir de réponses, aussi, s'adressa t-elle surtout à elle-même. Elle se rappela ses parties de cartes avec Rodrigue, un collègue de la SSA - et le seul avec qui elle s'était autorisée un lien. Ce n'était pas un ami, il ne connaissait pas la véritable Kalina sous son masque de fer. Il était d'ailleurs beaucoup plus âgé qu'elle, mais il était venu la chercher alors qu'elle passait ses pauses toute seule. Son café avait eu une meilleure saveur depuis.
C'est Amaury, à côté d'elle mais à bonne distance tout de même, qui lui répondit après un moment.
— On a ça aussi. En bas.
Kalina n'osa pas lui répondre. La veille, il s'était montré extrêmement froid alors elle ignorait comment l'aborder. Elle se contenta de lui sourire. Dans le vide, puisqu'il ne le lui rendit pas. Au contraire, il écarquilla les yeux comme s'il réalisait seulement qu'il venait de lui parler. Il privilégia la fuite car il se détourna d'elle pour explorer la salle. Ils étaient venus hier, s'étaient assis sur le divan circulaire, mais n'avaient jamais vraiment prêté attention à tous ses détails.
Amaury s'était levé bien plus tard qu'elle, pourtant, il avait une mine affreuse, comme s'il n'avait pas dormi de la nuit. C'était tout le contraire en réalité, et c'était en partie grâce à Lise, l'infirmière, qui lui avait refilé des antidouleurs pour son entorse lancinante. D'habitude, Amaury était victime d'insomnies. De fait, même s'il avait beaucoup dormi, il avait l'impression du contraire. Couché à cinq heures du matin, il s'était réveillé à seize heures UTC. Le fuseau horaire de la majeure partie des colonies était basé sur l'heure universelle de l'ancienne Terre, même si celle-ci n'accueillait plus aucune vie en son sein depuis des milliers d'années et que, dans l'espace, le temps s'écoulait de façon relative. Dérégler le rythme circadien aurait eu des effets néfastes sur l'évolution et la survie des habitants de l'espace. Alors, les colons basaient leurs calendriers et leurs montres sur des cycles de vingt-quatre heures. Cela depuis des générations. Le temps leur semblait plus long, alors que sur l'ancienne planète bleu qu'il pouvait parfois apercevoir de la SSA, il évoluait rapidement, faisant défiler plusieurs jours et plusieurs nuits tandis que leur montre n'affichait pas encore minuit.
Kalina, elle, n'avait presque pas fermé l'œil de la nuit. Son cerveau avait été en ébullition. Il avait ressassé chaque minutes depuis la fin du restaurant jusqu'à son enlèvement. Jusqu'à ce que Robby la conduise dans une petite chambre qui deviendra la sienne le temps d'y voyage. Il lui avait d'abord indiqué la direction des vestiaires et des douches. Pas à l'aise à l'idée de se dénuder davantage qu'elle ne l'eut été métaphoriquement, et extrêmement épuisée, Kalina s'était juste contentée de troquer sa robe avec un croc-top (hélas, seul haut propre disponible) et un cargo gris. Au moins, avait-elle profité de la matinée au calme dans un lit pour pleurer tranquillement et mettre ses idées au clair.
Malgré son envie de rester au lit, Amaury s'était finalement levé. Wolx ne leur avait pas donné d'ordre particulier et il avait eu la bonté de les laisser dormir. Kalina songea que c'était la moindre des choses après les avoir privé de leur nuit. Pourtant, sans s'être concertés, tous les deux eurent la même idée de se rendre dans le séjour. Si Amaury s'y était rendu sans difficulté, Kalina s'était perdue et avait longé de nombreux couloirs. Tous ces murs de métal gris, ces câbles qui les longeaient et les grosses portent pressurisées dans l'antre du vaisseau spatial se ressemblaient. Elle avait atterri dans de drôles d'endroits, avait aussi croisé un couple qui s'échangeait de langoureux baisers, à moitié dévêtu, contre un mur. C'était un tableau affreux qui avait fait bondir son cœur hors de sa poitrine et avait pressé ses pas jusqu'à trouver son chemin. En plus, elle s'était retrouvée seule devant tous ces strikers. Voir Amaury débarquer plus tard l'avait rassurée, même s'il était aussi distant qu'un meuble.
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Une Touche de Bleu et de Noir
Science FictionAlors qu'elle enquête secrètement sur la disparition d'une Azur avec l'aide du plus recherché des hacker, le lieutenant Kalina Day croise le chemin de Calypso sans savoir qui il est réellement. Leur rencontre est explosive et pleine de méfiance mutu...