Chapitre 27

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C'était de la folie. Comme toutes les décisions qu'il avait prise jusque là, comme l'enquête qu'il avait commencé à mener avec Kalina. Mais il n'avait pas le choix s'il voulait rentrer sur Atlas...

S'il reprenait son compteur de survie, Calypso savait que ses chances de rester vivant sur Starbite frôlait le 0, à partir du négatif.

D'abord, il n'avait rien d'autre que son moebus et il l'avait caché à Kalina — il ne pouvait pas la porter au poignet, ou ça le trahirait aussitôt. Ludivine lui confierait sans doute un ordinateur avec quelques outils — car la majorité des hacker exploitait des logiciels existants, comme le célèbre Blackcat apprécié des pirates ou k@li (un nom qui lui rappelait fortement celui de son associée)—, sinon, il devrait s'approprier un ordinateur sur place et agir en conséquence. Mais s'il voulait s'infiltrer chez ses ennemis, il devait surtout étudier la topographie de leur repère. Sauf qu'il ignorait presque tout de Starbite. Ce qu'il avait vu de la colonie n'était qu'un amoncellements de hauts abris et de repères, de panneau publicitaires holographiques et pornographiques à toutes les ruelles, au faible taux d'oxygène, et un débordement d'habitants aussi pauvres et sales qu'ils l'étaient, lui et ses compères Radiés.

En fait, tout sa mission ne reposait que sur les informations de Ludivine. La moindre erreur pouvait être fatale et n'avoir aucun contrôle sur la situation l'inquiétait. Il n'était pas stupide pour se jeter dans la gueule du loup. D'ordinaire, Calypso avait toujours un plan. À défaut, il en improvisait un. Compte tenu du peu de temps qu'on lui laissait, il n'aurait pas d'autre choix que d'agir d'emblée.

Mais au moindre travers, peu importe ce qu'en diraient Wolx et Ludivine, il détalerait comme un lapin. Les loups et les chiens étaient stupides de l'envoyer là-bas sans aucune préparation, mais ce temps qu'il leur semblait compté ne fit qu'accroître sa méfiance à leur égard. On lui avait dit que de nouveaux astéroïdes se précipitaient droit sur le champ pour l'instant stabilisé de certains autres, où reposaient le vestige de leur vaisseau attaqué. Malgré tout, ça ne justifiait pas tout. Et puis, pourquoi c'était à lui de régler un problème qui ne le concernait pas ?

Kalina l'observait d'une manière qu'il ne saurait décrire ; ses yeux scintillaient — ça le rendait mal à l'aise autant que c'était captivant, magique — et elle le fixait avec intensité. Voyez-vous, c'était pour ça qu'il fuyait constamment son regard. Elle mettait ses barrières à nues, car il ne pouvait nier qu'il l'appréciait et il aimait rarement les gens. Affronter son regard c'était accepter cette réalité et il n'était pas prêt.

— Je viens avec toi, décréta-t-elle.

Il sentit ses propres sourcils se dresser. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, Kalina enchaîna d'un ton catégorique :

— C'est non négociable.

Amaury l'observa un moment, sceptique, cherchant toujours à éviter ses yeux. Il ne songea pas qu'il s'agisse d'une bonne idée, pourtant, la douleur à son estomac relâcha son emprise. Au contraire, elle aurait dû le forcer à ployer le genou, car rester seul avec Kalina avait toutes les raisons de l'univers de le tourmenter. Non, son corps sembla rassuré.

— J-j-j-je...

Il se tut aussitôt, les lèvres pincées et l'expression grave, éberlué par son propre bégaiement.

Fais chier.

Qu'est-ce qu'il voulait dire, déjà ? Comment avait-il pu oublier ce qu'il voulait dire ?! Qui avait effacé la commande dans sa tête, qui aurait permis à l'information d'être prononcée dans son entièreté ?! Qui avait supprimé les donnés ? Où étaient-elles allées ?

Kalina battit des paupières :

— Oui ?

Il secoua vivement la tête, un frisson étrange et malvenu remontant ses doigts acérés le long de sa colonne vertébrale. C'était un contact dégoûtant. Il remonta les épaules comme si ce simple geste pouvait chasser le spectre qui lui caressait le dos sous son pull.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant