Chapitre 25

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L'espace était quelque chose d'étrange. Une étendue indéterminée de matière et d'anti-matière, dans l'Univers, toujours en expansion, parce qu'impossible à mesurer réellement. L'Univers offrait des perspectives infinies, comprenant l'ensemble de choses qui existent, et qui n'existent pas. Après tout, l'homme n'avait jamais exploré ses limites ; il n'y en avait pas.

Comprendre l'Univers avait permis à des scientifiques chevronnés d'appliquer des lois physiques, de définir la composition de toute choses avec des mots, comme la matière, l'énergie, le temps, le célèbre « big-bang »... Des notions surtout théoriques, basées sur des observations astronomiques. C'était le propre du scientifique ; définir l'inconnu, le comprendre.

Mais au fil des siècles, les savants et les chercheurs de l'Ancienne Terre avaient constamment fait évoluer leurs thèses. Rien ne garantissait que ce que l'Homme croyait savoir de l'Univers, aujourd'hui comme avant, était véritable. Pour l'instant, certains calculs pouvaient offrir des explications mais la Recherche, comme le sujet de ses préoccupations, n'avait aucune limite.

À présent, l'espèce avait tellement évolué qu'elle vivait et voyageait dans l'espace.

Amaury observait cet étendu de noir derrière la vitre du vaisseau, apercevant quelque fois, au loin, des scintillements d'étoiles. Il lui parut évident — même s'il n'avait aucune notion en astrophysique —, qu'ailleurs, il devait exister d'autres galaxies, d'autres voies lactées, d'autres systèmes solaires — et peut-être même d'autres curiosités, qui pouvaient conduire à la vie, toute forme de vie, ou à la destruction, ou au néant.

L'humanité avait été la plus destructrice de toutes les créations de l'Univers, mais elle avait été l'évolution d'autres espèces avant elle. La Terre ne cessait d'évoluer, elle aussi. Amaury avait toujours été intrigué par tout ce qu'il ne comprenait pas et l'Univers était une source de frustration : il n'avait aucune réponse et il n'en aurait probablement jamais aucune.

Amaury ne s'était jamais vu comme un scientifique ou un chercheur. Il adorait ça pourtant ; fouiner, avoir des réponses, découvrir... mais s'il y avait bien une organisation qu'il refusait de servir et dont il ne prêterait jamais son intelligence, c'était bien la SSA. Elle excellait dans différents domaines permettant aux habitants d'Atlas de vivre, de s'épanouir et d'évoluer dans un environnement hostile à son espèce. Sciences, médecines, technologies... l'immense station spatiale était alimentée de génies en tout genre, d'agents de sécurité presqu'infaillibles et Amaury, s'il avait grandi ailleurs que dans les bas-fonds, aurait pu y trouver sa place.

Qu'aurait-il fait exactement ? Dans quel milieu se serait-il orienté ? Le numérique lui semblait évident, mais il était aussi bien intéressé par la technologie d'exploitation ; améliorer des processus dans le but d'obtenir un résultat plus efficace. Il n'aimait pas le profit capitaliste  qui avait condamné son espèce, il appréciait plutôt l'évolution des méthodes dans toutes les disciplines possibles. Il aimait aussi l'innovation, même s'il manquait de pratiques et de connaissances.  Il était piégé dans les bas-fonds. Sa condition de Radié bridait son intelligence, mais les souterrains, c'était aussi chez lui.

Pour la première fois de sa vie, on le forçait d'obéir à des ordres qui impacteraient l'ascension d'une des plus grandes dynastie de Starbite ; celle du crime. Même s'il était un criminel aux yeux d'Atlas, il considérait ses actions bien moins dangereuses pour la société que la rivalité des gangs au sein de Starbite. Il ne tuait pas, il ne pillait pas. Il se servait dans les rations des transporteurs, mais seulement un peu de pains pour nourrir les siens et survivre. Pouvait-on vraiment parler de pillage ?

Kalina lui avait demandé s'il était nerveux. Il lui sembla que c'était bien différent encore. Il n'avait pas seulement mal au ventre, il avait la nausée. Son coeur semblait au bord de l'implosion et sa poitrine lui faisait mal. Une douleur aiguë, comme si on la lui comprimait en même temps qu'on lui plantait des centaines d'aiguilles. Et puis, il y avait son cerveau ; il semblait au ralenti. C'était inhabituel. En général, son processeur était actif et sa mémoire vive permettait le traitement rapide des données stockées et l'exécution presque instantanée de certaines taches. Là, ses pensées obstruaient tout jugement et il avait l'impression d'être défectueux, de devoir faire des allées et retours dans son disque dur interne pour retrouver le fil de la réalité. Ça lui filait la migraine.

Une Touche de Bleu et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant