Chapitre 3

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J'entends toquer doucement à la porte, Paul entre sur la pointe des pieds.

— Tu es réveillée ?

— Mmm, il est quelle heure ?

— Il est vingt heures trente, j'ai commandé des sushis pour ce soir. Je te laisse émerger, tu me rejoins quand tu veux.

— Merci, je ne vais pas tarder.

— Prends ton temps, je ne suis pas pressé.

Je prends encore un moment pour rassembler mes idées avant l'inévitable débriefing de la journée. Lorsque j'entends la sonnette annonçant la livraison de nos sushis, je prends une grande respiration, rassemble le courage qu'il me reste et me lève. Paul affiche un air que je ne lui connaissais pas encore, il semble en même temps réjoui et préoccupé. Nous commençons notre repas en silence devant la télé. Au bout d'un moment, je prends mon courage à deux mains et lance la conversation.

— C'était chouette les visites ! Je suis contente d'avoir commencé à voir quelques maisons.

— Oui moi aussi. J'adore la dernière que nous avons visitée ! C'est celle-là qu'il nous faut. Elle est vraiment parfaite, rien à refaire, juste nos valises à poser !

J'en reste bouche bée. Il ne tient même pas compte de mon avis. Il aurait pu diriger son choix vers la ferme rénovée, elle serait un bon compromis pour tous les deux. Non, monsieur veut son blockhaus et mes envies passent au second plan. Je me mords la langue et répond :

— Et la ferme rénovée, tu en penses quoi ?

— Je l'aimais bien mais cette dernière maison est vraiment celle dont je rêvais. Tu as eu l'air de l'aimer toi aussi non ?

Il ne doit pas avoir les yeux en face des trous. Ou alors il était trop occupé à faire le coq auprès de Christine et il ne m'a carrément pas écoutée. Je prends le temps de choisir mes mots pour ne pas le braquer.

— Et bien... ce ne serait pas vraiment mon premier choix.

— D'accord, mais est-ce que tu as eu un coup de cœur pour la ferme ? Je n'ai pas eu cette impression...

— Non, c'est vrai, je n'ai pas eu de coup de cœur, mais elle me semble un bon compromis.

— Puisque ce n'est pas un coup de cœur, tu pourrais envisager de choisir la maison qui me fait rêver. Au moins un de nous aura ce qu'il veut...

Les paroles de Paul me frappent comme un coup de poing. J'ai du mal à croire qu'il ait dit cela. Je sens les larmes monter et ma gorge se serre. Je fais encore un effort, presque surhumain, pour lui répondre sans m'effondrer.

— Je vais y réfléchir. En attendant, tu es d'accord pour faire d'autres visites ? Nous pourrions contacter une deuxième agence.

— Je ne sais pas, attends de voir avec Christine, elle avait une autre maison à nous proposer non ? J'ai un bon feeling avec elle.

Je décide de mettre fin à la conversation avant qu'elle ne tourne en dispute.

— Je veux bien voir son autre proposition si tu me promets de ne pas écarter la possibilité de voir une autre agence.

— D'accord on fait comme ça. Tu viens te coucher ?

Je me sens un petit peu mieux : le choix de Paul n'est peut-être pas définitif après tout. Lorsque nous nous couchons, Paul me prend dans ses bras et je suis rassurée par sa démonstration de tendresse. J'en avais bien besoin après cet après-midi qui m'a laissé un goût amer.


Le lendemain, je me réveille l'estomac noué. Pour battre le fer tant qu'il est chaud, je rappelle Christine :

Rénover ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant