Je pars travailler avec l'estomac en vrac, même si j'ai été forte devant Noémie, je suis vraiment chamboulée. J'ai du mal à intégrer ce qu'elle m'a raconté. J'ai l'impression de sortir d'un rêve, que notre conversation n'a pas vraiment eu lieu. C'est tellement difficile d'imaginer le Cochon Poitevin racheté par un groupe, de voir un cinquième de mes collègues de travail remerciés. Peut-être même moi d'ailleurs, ça ne m'a pas effleuré sur le coup mais je n'ai pas d'enfants et je suis jeune donc potentiellement candidate au licenciement. J'ai du mal à digérer la nouvelle.
Je remarque que mes collègues affichent des mines inquiètes. Le premier à qui j'ose poser la question m'envoie lire mes mails. Grâce à Noémie, je n'ai pas trop de doutes sur ce qui tracasse tout le monde mais il me tarde de le voir de mes propres yeux. Comme tous les matins, mon ordinateur met un temps fou à démarrer et je trépigne.
Enfin, le voilà : au milieu des mails de mes clients, il y en a un de monsieur Berger. Il nous convoque tous à une réunion ce matin à 9h30. Je comprends pourquoi mes collègues sont inquiets, ce n'est pas dans les habitudes de notre directeur de convoquer son personnel. Habituellement, il préfère nous convier. La dernière fois que tout le personnel a été réuni, c'était pour la fête de fin d'année. Enfin plutôt celle de début d'année ! La fin d'année étant une période forte, nous avons pour habitude de marquer le coup en janvier. Tous les employés et leurs conjoints se retrouvent autour d'un bon repas. Ce moment est à l'image de monsieur Berger, familial et convivial. Mais aujourd'hui, clairement, il ne s'agit pas de faire la fête. Son ton est froid, le texte est court, nous n'avons plus qu'à attendre.
A 9h20, je commence à voir des processions de collègues se diriger vers le lieu de rendez-vous. J'ai l'impression d'assister à un cortège funéraire : les mines sont sombres, les têtes baissées, personne ne parle. Nous sommes tous regroupés dans un coin de l'usine où un espace a été aménagé pour que nous puissions tous contenir. Une petite estrade improvisée se dresse face à nous. Monsieur Berger arrive enfin, suivi de Noémie. Leurs têtes de six pieds de long ne vont pas rassurer le personnel. Il prend la parole :
— Bonjour à tous. Si je vous ai réunis en urgence aujourd'hui, c'est pour vous annoncer mon départ à la retraite.
Quelques applaudissements retentissent mais sont vite étouffés. La mine sérieuse de notre directeur suffit à endiguer le mouvement. Il reprend :
— Cela fait maintenant plusieurs mois que je prépare ce moment. Jamais je n'aurais imaginé vous abandonner dans ces conditions. Je n'ai malheureusement pas trouvé de repreneur qui accepte de continuer dans les conditions actuelles. Dans un mois, le Cochon Poitevin sera intégré au groupe Spaghetto. Si légalement vos contrats seront tous maintenus, le groupe prévoit bel et bien une diminution de la masse salariale. Pour être clair, à terme, ils comptent se séparer d'une partie des effectifs.
Des clameurs s'élèvent parmi une partie du personnel, l'autre partie étant restée bouche bée sous le choc de la nouvelle.
— En vous annonçant cette triste nouvelle, je romps une partie des conditions du contrat de rachat. Si cela venait aux oreilles de Spaghetto, le rachat pourrait être annulé. Cependant, il est important de savoir que la plupart des autres racheteurs potentiels ne sont pas à la hauteur. Avec Spaghetto, l'entreprise aura un avenir, pas celui que j'aurais souhaité pour vous, mais un avenir tout de même. Malgré la peine que cela me porte, je n'envisage pas d'attendre plus longtemps pour acter la reprise de l'entreprise. J'ai pu m'apercevoir au fil des mois que dans notre société actuelle, nous ne pouvons malheureusement pas attendre mieux. Je suis conscient que l'idée de commencer une semaine par ce genre de nouvelle n'est pas vraiment brillante mais j'espère que vous saurez trouver le courage de poursuivre votre travail pour que, malgré tout, le Cochon Poitevin puisse continuer de vivre. Je vais à présent laisser la parole à madame Marnier. Noémie, c'est à vous.
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Rénover ma vie
Romance" J'y suis arrivée, j'ai trouvé la maison de mes rêves ! Je vais enfin pouvoir me lancer dans mon projet de rénovation et fonder une famille. Enfin c'est ce que je pensais, avant de me retrouver célibataire. " Dans la vie d'Emma tout ne se passe pas...