Chapitre 11

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La soirée est vite arrivée. J'ai fait la liste du matériel dont je vais avoir besoin et je m'accorde un repos bien mérité. Je m'installe sur le canapé avec un bon verre de vin et décide de ressortir les lettres de Charles. Il y en a beaucoup. Je commence à en lire quelques-unes qui ressemblent beaucoup à la première que j'avais lue. Charles était souvent en déplacement. Il a parcouru de nombreux pays. En lisant ces lettres je découvre que la collection de figurines provient de ses voyages, il les ramenait en cadeau pour Mathilde qui s'était mise à les collectionner. Une lettre attire tout particulièrement mon attention.


Oran, le 28 novembre 1985

Ma tendre Mathilde,

Je t'avoue être parti en déplacement le ventre noué. Ta sœur va bientôt donner naissance à son enfant et j'aurais préféré être à tes côtés dans ce moment si particulier. J'ai longuement hésité à reporter ce déplacement mais je t'ai sentie si forte, bien plus que je ne le suis.

Je te sais réjouie par cette naissance mais je ne peux m'empêcher de penser avec amertume à cette joie que nous n'aurons sans doute jamais. Je pleure l'absence d'un enfant et j'imagine que tu dois en souffrir aussi parfois.

Je n'avais pas vraiment envie de visiter la ville cette fois-ci mais j'ai su rester fidèle à nos traditions. C'est dans ces gestes-là, ces habitudes, que nous puisons notre amour. Je pense avoir trouvé le cadeau parfait pour toi. Il me tarde de te voir le découvrir.

Je fais tout mon possible pour rentrer le plus tôt possible et j'espère pouvoir rentrer à temps pour accueillir notre neveu ou nièce avec toi.

Je t'envoie mille baisers.

Ton amant toujours plus dévoué,

Charles.


Comme la toute première lettre que j'avais lue, cette dernière me plonge dans une profonde mélancolie. Je ressens le chagrin de Charles comme si c'était le mien. Des larmes coulent sur mes joues, mon ventre est noué, mon cœur est serré. Il reste encore de nombreuses lettres mais je vais en rester là pour ce soir. Je n'ai plus la force d'en lire plus.

Serait-ce parce qu'ils n'ont pas pu avoir d'enfants que Charles a fini seul ? Se sont-ils finalement séparés ? Comment choisir entre son amour et son désir d'enfant ? Quel choix aurais-je fait à la place de Mathilde ? A-t-elle vraiment eu le choix d'ailleurs ? Je me pose mille questions et peine à trouver le sommeil. Je me rends compte que ma tristesse de ne pas avoir encore d'enfant est finalement dérisoire face à ce que la vie peut infliger. Certes, je n'ai pas encore d'enfant mais j'ai toujours l'espoir. Charles lui n'a pas eu cette chance.

Je décide alors de me prendre en main. Je ne vais pas finir mes jours seule, Paul n'était certainement pas l'homme de ma vie. J'attrape mon téléphone et envoie un message à François alias Thor, le serveur du restaurant. Cela fait déjà quelques jours qu'il m'a donné son numéro et j'espère qu'il se souviendra de moi. Je suis agréablement surprise de voir que sa réponse ne tarde pas. Nous échangeons quelques messages et rapidement, il m'invite à boire un verre jeudi soir, son jour de repos. Je m'empresse d'accepter avant de me mettre à réfléchir et de plus oser. L'idée d'un rendez-vous a fait refluer ma mélancolie mais maintenant je suis un peu angoissée. Après cinq années de vie commune avec Paul, je manque un peu de pratique ! Je me tourne et retourne dans mon lit, finalement j'ai toujours autant de mal à dormir.


Après une nuit un peu trop courte et une journée de travail un peu trop longue, me voilà à présent dans un magasin de bricolage. J'ai rapidement trouvé tout le matériel nécessaire à la rénovation des murs et à la peinture. J'ai laissé de côté la partie rénovation carrelage pour l'instant. J'arpente à présent les allées peinture de long en large. Les couleurs que j'ai en tête sont difficiles à retrouver sur les petits carrés de papier du nuancier. Je suis frustrée mais il va falloir que je me décide et que je me lance. Le vendeur du rayon essaie de me rassurer en m'expliquant que de toute manière la peinture ne rend jamais comme sur le nuancier car tout dépend de l'éclairage de la pièce. Pourquoi me dit-il des choses pareilles ? C'était déjà assez difficile comme ça. Maintenant j'ai l'impression que peu importe la couleur que j'aurai choisie, le résultat sera décevant, je suis dépitée. Perdu pour perdu, j'inspire profondément, laisse parler mon instinct et arrête mon choix.

Rénover ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant