6-La fée dragée, bonbon et myrtille

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Son Altesse parti, plusieurs élèves s'attroupèrent autour de Roxanne pour lui porter secours. Sa tumultueuse rencontre avec le prince avait fait grand bruit et ses vêtements roulant dans les escaliers avaient retenu l'attention de quelques fées. Majoritairement des étudiants en troisième et quatrième année parmi lesquels elle reconnut Austin qui referma d'un sort la plus ample des mallettes.

- Je suis désolée, commença la sorcière alors qu'il l'accompagnait jusqu'à sa chambre. Tu as dû arrêter l'enregistrement des élèves à cause de moi.

- Ne dis pas ça, c'est un plaisir de t'aider, rétorqua -t-il sans trahir une grimace. On avait presque fini. En plus, c'est l'occasion pour moi de me dégourdir les ailes. Tu n'imagines pas depuis combien de temps j'étais assis sur cette chaise à parcourir la liste des nouveaux inscrits !

Roxanne pouffa de rire, et ils arrivèrent à destination. Chambre 101. Austin n'avait pas menti, la porte vitrée de la bibliothèque et l'un des murs de sa chambre se côtoyaient. Si elle le souhaitait, elle pourrait emprunter en pyjama un roman avant de descendre au réfectoire pour le petit déjeuner.

Le chariot s'arrêta et buta contre la porte de bois. Une gravure indiquait qu'elle partageait sa chambre avec une certaine Myrtille Rose-liège.

- Je dois te laisser, s'excusa Austin. Mais surtout, n'écoute pas ce prétentieux : tu vas briller dans cette école.

Il reprit le chemin inverse, tandis que Roxanne laissa flotter son poing par-dessus la poignée. Elle inspira. Quelqu'un de gentil, pria-a-t-elle en silence, gentil...comme Austin.

Or la porte s'ouvrit avant qu'elle ne le décide.

- La sorcière ! s'écria la fée, les yeux pétillants de paillettes.

Si les vampires rougissaient du regard pour exprimer leurs émotions, que les loups garous voyaient d'épaisses griffes jaillir de leurs mains, les fées, elles, étincelaient des pupilles. Le jour du second mariage de son père, Alissa était tellement aux anges, que ses larmes s'étaient colorées d'argent.

- Elle-même, répondit Roxanne, un peu mal à l'aise.

Sans crier garde, sa nouvelle colocataire l'attrapa par les avant-bras et l'emporta dans leur habitation. La sorcière hoqueta de surprise. Elle ignorait si toutes les chambres se ressemblaient dans ce château, mais la sienne lui parut d'un luxe incomparable. La pièce brillait grâce à sa peinture nacrée qui recevait de rayons éclatants depuis une immense fenêtre. Derrière elle, Myrtille avait déjà déroulé une échelle de cordes, aussi utile pour suspendre ses linges que pour prendre la poudre d'escampette.

- Combien de chances avais-je de partager la même chambre que toi ? s'enjoua-t-elle en tournant sur elle même. Je veux tout savoir sur toi. Qu'est-ce que tu manges le matin ? Est-ce que tu aimes les grasse-matinée ? Moi j'adore ! Même si d'après ce qu'on m'a dit, les cours commencent toujours très tôt. Je n'ai pas encore eu le temps de consulter mon emploi mais peut-être que toi, oui ! Oh mais suis-je bête ? Toi aussi tu viens d'arriver.

Myrtille... A choisir, Roxanne l'aurait plutôt nommée lavande ou prune puisque chez elle tout était mauve. Ses cheveux qu'elle avait noués en nattes, ses ailes qu'elle gardait repliées, sa robe faite des plus délicats pétales d'orchidées. Les dizaines de rubans qui l'habillaient de la taille aux couettes, et enfin ses paupières qu'elle avait teinté de fard violacée. Tout sauf ses yeux qui reflétaient l'océan.

- Si ça te convient, je prends le lit côté fenêtre, et je te laisse celui côté couloirs. Les deux sont de la même taille, mais Ragoût préfère avoir un moyen de sortir de temps en temps. Il est un peu claustrophobe.

Orange MandarineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant