Orange Mandarine

24 - Se promener dans les bois

Robyne accepta sans soucis qu'un élève de quatrième année les accompagne. Ainsi Roxanne se chargea de convaincre le bibliothécaire en lui promettant que Myrtille avait cédé sa place. Elle avait simplement omis de préciser qu'elle l'avait donné à la princesse Neige.

D'ailleurs, cette dernière avait failli manquer la sortie, recroquevillée dans son lit tout le dimanche. Austin ne l'avait pas rejetée —ou la fée ne l'avait pas compris. Elle refusa de sortir, de le croiser. Mais en même temps, elle voulait le voir. Elle craignait qu'il clarifie les choses—ou qu'au contraire il ne s'entête à rester flou sur leur relation, une « amitour » comme l'avait nommée Fly, peu inspiré.

Elle n'avait pas faim sans s'empêcher de grignoter les fruits enrobés de chocolat qu'elle gardait dans ses luxueux placards.

Or, une chose ne changeait pas : la solitude l'effrayait. Ainsi, lorsque son frère l'avait prévenue que ni lui, ni Roxanne n'abandonnerait leur place, elle avait bondi de son lit et les avait suivis à vive allure. Prête, maquillée et le sac à dos rempli de friandises pour animaux.

— Il...il est venu ? souffla-t-elle à l'oreille de son frère en apercevant Austin, un peu plus loin dans la file.

— Daphné ne peut pas venir, rétorqua-t-il nonchalant, il fallait que quelqu'un prenne sa place.

Austin n'en menait pas large non plus. Il foudroya la sorcière de ses yeux bruns avec tant de mépris que Roxanne se demandât si elle n'avait pas commis une erreur en forçant à ce point une nouvelle rencontre.

Comme s'il avait lu ses pensées _et il devait sans doute connaitre le sort parfait pour cela— Fly se pencha vers elle et lui chuchota :

— Ne t'en fais pas, si Austin avait voulu s'en aller, il l'aurait fait. A la place, il n'arrête pas de dévorer Nei...Myrtille des yeux. Mon plan fonctionne !

Fly, tu es parfois un idiot, songea Roxanne en observant Myrtille rabattre son épaisse capuche sur sa chevelure lavande, rouge de gêne.
Il ne la laissa pas répliquer et disparut dans le téléporteur, en direction de la forêt de Sherwood.

En plus de la pétillante professeure de potions, l'exécrable Madame Gorgias avait pris la décision de cheminer avec eux. Elle marchait en retrait, voletait lorsque ses bottines rencontraient de la boue, et passait son temps à houspiller le moindre élève qui s'écartait du chemin.

— La forêt de Sherwood est née bien avant la création du pays des sorcières, narra Robyne en balayant l'air de ses mains. Auparavant, lorsque la magie venait d'arriver dans notre monde, les premières magiciennes se réfugiaient ici pour fuir les chasseurs. Qui peut me dire qui étaient les chasseurs ?

Plusieurs mains se levèrent dont celle de Fly que Robyne interrogea, ravie de le voir reprendre du poil de la bête. Il fallait dire que Fly ne mettait plus beaucoup les pieds en cours de potions, ces derniers jours.

— Des mercenaires embauchés par le roi des Hommes. Ils voulaient faire disparaitre la magie et tuaient tous ceux que la déesse Lune avait gratifiés d'un don.

Hommes était un nom bien imprécis pour désigner des êtres dépourvus de magie. D'ailleurs, personne ne savait  à quoi ils ressemblaient exactement : on leur prêtait des oreilles pointues, comme les elfes, et des visages ronds, imberbes.

Les recherches à leur sujet étaient mal vues, prises pour de la trahison envers la société magique. Une seule chose importait à présent : ces barbares avaient disparu, morts de vieillesse, de maladie ou empoisonnés par de puissants sortilèges. Aujourd'hui, chaque créature conservait un peu de sang féérique dans les veines, bien que leurs magies se soient diversifiées avec le temps. Par exemple, les fantômes  n'avaient gardé que la télépathie...et la malédiction de ne pas posséder d'enveloppe charnelle.