Fly semblait mille fois plus sérieux en tant qu'instructeur qu'en tant qu'élève. Roxanne, qui le voyait si peu réviser, n'aurait jamais cru qu'il puisse lui prodiguer de si bons conseils. Il ne la rabaissa pas, ou très peu, commença par lui apprendre quelques exercices de respiration, appris aux côtés d'elfes aguerris puis introduisit sa première leçon de magie.
— Tu sais pourquoi les sorcières ont besoin de baguette ?
Roxanne s'était tant posé la question et avait tant fouillé dans de lourdes encyclopédies, que la réponse apparut d'elle-même. Pourquoi les sorcières sont-elles si mauvaises pour lancer des sorts ? Parce qu'elles avaient besoin d'une passerelle pour relier la magie qui circulait dans l'air à leur âme, une passerelle que possédaient naturellement les fées, bien entendu.
— Parce que sans baguettes, on ne vaut pas mieux que des humains.
— Faux ! contredit le professeur improvisé en imitant le bourdonnement d'un clairon. Vous avez besoin de baguettes parce que votre magie est différente. Chez les fées, toute notre magie vient de notre corps, nos ailes, nos cheveux et le pollen qui germe dans les fleurs. Elle est visible et malléable. La vôtre vient juste ici.
Elle crut qu'il allait pointer son cœur, mais sa main s'aventura plus haut, longeant la courbure de ses joues et les boucles de ses cheveux roux.
—Mes tempes ?
Il secoua la tête.
— Tes souvenirs. On va essayer quelque chose, lâche cette baguette et ferme les yeux. Maintenant, pense à un souvenir d'enfance, quelque chose de vraiment fort. Quelque chose qui t'a mise en colère.
Elle se remémora d'abord leur première rencontre : l'arrogance du prince, ses mallettes renversées, et ce pauvre Bunbun à demi sonné qui sautillait en zigzag, le museau en alerte. Puis, un autre plus profond, chamboula sa mémoire. La première grosse dispute entre ses parents, les assiettes qui volaient au-dessus de la table à manger, l'inquiétude de Rory qui serrait sa petite sœur dans ses bras pour la protéger du monde adulte. Au fil des années, la peur avait laissé place à la colère. Pourquoi ne sont-ils pas capables de s'aimer ? avait-elle songé. Les reproches s'était reportés sur leur mère, qui avait plié bagage sans leur dire au revoir. Depuis, leur père s'était excusé, pas elle.
— Maintenant, imagine la scène autrement, imagine ce que tu aurais pu faire pour l'améliorer.
Tout en suivant ses instructions, elle visualisa la scène du mieux que son esprit d'enfant lui avait permis. Elle aurait aimé que les assiettes s'arrêtent, qu'elles s'alignent sur la table, comme si le souper approchait. Elle aurait souhaité crier, se défaire des bras solides de Rory et convaincre ses parents de se calmer, de discuter auprès d'un feu chaleureux. Elle aurait voulu qu'ils la serrent dans ses bras, à la place de Rory, qu'ils lui promettent d'au moins essayer de s'entendre, de rester cordiaux l'un envers l'autre.
Une douce chaleur jaillit de ses paumes et surprise, elle ouvrit les yeux chassant les bribes de son imagination. En rang d'oignon, ses plumes d'oies et crayons à dessins avaient quitté leur pot, étalés de long en large sur le bureau.
— Qu'est-ce que tu as souhaité ?
— Un repas en famille...souffla-t-elle, émerveillée d'une prouesse pourtant si banale. Tu me jures que tu ne les as pas mis en place pendant que je fermais les yeux ?
Il leva la main droite.
— Parole de fée.
En s'approchant de son bureau, Roxanne remarqua que le bois de quelques crayons avait brûlé. Juste un peu, de quoi obscurcir la mine. Là encore en était-elle responsable, elle qui peinait toujours à attiser le moindre élément ?
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Orange Mandarine
FantasyRoxanne est admise dans la plus prestigieuse académie du monde. Le problème ? C'est une école pour fées. Des fées qui la méprisent, des fées que la nature a gâtées en magie bien plus que les maladroites sorcières. Mais Roxanne ne se laisse pas abat...