Orange Mandarine

35-Poudre de (fée et de) cheminette

Si Rory recula d'un bond, terrifié, Rayman ouvrait déjà les vannes d'un vieux robinet usé pour étouffer l'incendie. Il y parvint sans grands efforts, animant de ses doigts fins le chemin du torrent d'eau. Observant d'un œil malicieux la pièce inondée —qui fort heureusement ne lui appartenait pas—, il proposa d'un ton nonchalant de poursuivre la discussion au sec...c'est-à-dire dehors.

— Wow, s'émerveilla-t-il en se tournant vers la jeune sorcière. Rappelle-moi de ne jamais te mettre en colère. Tu as ce niveau à quoi ...Treize ans ?

Roxanne n'allait pas bien. Elle se tenait les tempes, le menton replié, le souffle erratique. Ses jambes se mirent à flageoler jusqu'à ne plus la retenir. Elle s'écroula sur les genoux, sans relever la réflexion inappropriée de Rayman qui perdit son flegme en remarquant sa détresse.

— J'ai...J'ai ...le feu...Il ...

Sa poitrine sifflante lui sembla douloureuse et si l'oxygène naviguait encore jusqu'à ses poumons —autrement, elle serait déjà morte d'asphyxie —, le monde autour d'elle lui parut brumeux. Inquiet, Rory lui tendit son bras pour qu'elle puisse s'appuyer contre lui. Il regrettait déjà de l'avoir emmenée dans cet endroit, bien qu'il ignore la raison de son soudain malaise. Ce ne pouvait être Rayman. Aussi forte fut la colère de sa petite sœur, elle ne l'aurait jamais mise dans cet état. Non, il lisait sur son visage une angoisse folle.

Se croyait-elle responsable de l'incendie ?

— Roxy ! Roxy, répéta-t-il ! Regarde-moi !

Un voile de larmes embuait les yeux de la jeune sorcière.

— Rory, laisse-moi faire.

Avec son impolitesse habituelle, Rayman l'écarta d'une main et s'accroupit face à elle.

— Hé, fit-il d'un ton doux, tu n'as rien fait de grave. Le feu est éteint, ton frère va bien, je vais bien, et toi aussi. Plus de peur que de mal, d'accord ?

Peu à peu, les tourments de Roxanne se calmèrent. Elle haussa la tête, osa le regarder, apaisée par ses propos.

— Inspire. Expire lentement. Voilà comme ça. Et compte jusqu'à dix. Dans ta tête si ça te semble plus facile...

Elle s'exécuta sans réfléchir. Ses yeux s'asséchèrent, son cœur reprit un rythme ordinaire.

— C'était ton premier accident de sorcellerie ?

Rayman la dévisagea, sincèrement soucieux. Si elle tachait de rester hostile à son égard, elle opina néanmoins du chef.

— La sorcellerie ? S'étonna Rory en haussant un sourcil.

— C'est le nom que donnent les fées —et la plupart des ombrumes— à la magie de l'âme.

Rayman n'avait jamais caché son intérêt pour les sortilèges atypiques et la magie occulte. Si trois ans les séparaient, Rory et lui avaient toutefois fréquenté la même université. Ils s'étaient rencontré dans un club de débat et d'éloquence que ce dernier présidait. Le sorcier se rappelait des sempiternelles questions autour de la royauté, de l'avenir du monde des ombrumes, de l'apparence des humains —ces créatures barbares peuplant un autre monde —ou encore de la punition juste que mériterait les odieux vampires, croquant qui se faufilait devant leurs yeux.

Un sujet en particulier l'avait fasciné : la magie de l'âme, d'une puissance si redoutable qu'elle avait été bannie du royaume des sorcières et strictement réglementée chez les fées. Cela n'avait toutefois pas empêché Rayman de s'y essayer, ce qui lui valut d'être expulsé de l'école à quelques mois de la remise des diplômes.

— C'est ce qui a causé l'incendie des oreillers. Et oui, la maison est mal rangée mais je n'irais pas à cacher des explosifs dans les meubles. Quoique...Je devrais peut-être essayer un jour.