25-voler sans ailes(2/2)

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— Roxy ?

« Rory ? Roxanne, où est passée ton frère ? »

Madame Pumkin secoua sa fille, planta ses ongles dans ses épaules, ignorant ses grimaces de douleur. Roxanne ignorait la réponse à sa question. Un peu plus tôt dans l'après-midi, son grand frère s'était enfui, agacé d'une énième dispute parentale. La petite sorcière ne s'était pas inquiétée : il connaissait la forêt, il reviendrait. Aurait-elle dû ?

Fly arrêta son geste, intrigué. Il avait enfilé une drôle de veste au-dessus de ses ailes et noué une corde autour d'une branche de chêne qui lui arrivait au cou.

— Roxanne , tu te sens bien ?

Blême, la jeune fille mentit en acquiesçant d'un signe de tête. Sans insister, il haussa les épaules, serra le nœud, se balança de gauche à droite pour tester sa solidité puis attacha l'autre extrémité de la corde à sa taille. 

— Tu ...tu vas escalader tout là-haut ?

— Tout juste ! Je fais de l'escalade depuis que je suis enfant. Cette forêt, c'est un peu le paradis des grimpeurs comme moi. Tu savais que Sherwood possédait les arbres les plus hauts du monde ?

Oh ça oui, elle le savait... C'était un soir d'été, les lanternes éclairaient les bois et l'ombre des grands arbres effrayaient la petite sorcière qui devait tirer sur les pans de sa cape pour ne pas grelotter. Elle avait peur. Peur des monstres de la forêt. Peur des loups qui rodaient. Peur de ne jamais retrouver son frère. Son père lui tenait la main, tout aussi inquiet qu'elle. « Alors même les adultes ont peur ? »

Les adolescents encore plus.

— Neige n'aime pas me voir prendre autant de risques, poursuivit le prince avec un tendre sourire. C'est pour ça que je ne lui ai rien dit. Je voulais t'en parler mais...tu étais déjà partie acheter des marrons chauds dans le chalet avec elle.

— Elle a deviné, pourtant.

Il haussa une fois de plus les épaules, et cala son pied contre l'écorce, prêt à monter. Dans son dos ses ailes avaient disparu sous sa veste. Elles ne frétillaient pas, prisonnière de leur cage de coton. Si la corde cédait...rien ne le sauverait d'une mort certaine. Pourtant, aucune peur ne se fraya dans son esprit : il fit glisser sa ligne de vie entre ses doigts et la proposa à Roxanne ; elle l'attrapa avec fébrilité comme si au lieu de fibres de lin, se trouvait un serpent venimeux.

— Ce n'est qu'une question de minutes avant qu'elle ne regroupe tous les écureuils de la forêt pour partir à ma recherche, alors. On ferait mieux de monter au plus vite. Tu veux m'accompagner ?

Non. Plutôt rencontrer des gorgones.

— Je...J'ai...le vertige, protesta-t-elle.

Les lieux s'obscurcissaient. L'ombre s'étendait. Maman râlait, elle rejetait la faute sur Roxanne, sur son père, sur les créatures de la forêt tout entière, sur les champignons et les feuilles d'été. Jamais elle n'avait été aussi irascible.

Le prince sembla déçu, ou plutôt surpris.

— Mère disait que tu avais fait des merveilles sur un balai le jour de ton évaluation d'entrée à l'école. Je me disais que...voler était ton truc.

Il l'était. Dans son enfance, Roxanne rêvait de devenir chevaucheuse de balai. Elle pensait participer aux courses volantes, rafler des prix, signer des autographes à la plume d'oie et... rencontrer les monarques du monde entier. Petite, elle croyait au prince charmant, aux fins heureuses, à la magie des fées. A présent, elle avait d'autres convictions : certaines sorcières parvenaient à s'envoler vers les étoiles, oui, mais en cas d'échec la chute promettait d'être terrible . Son regard dériva vers l'arbre centenaire, et un frisson la saisit.

Orange Mandarine Où les histoires vivent. Découvrez maintenant