Orange Mandarine

20- Joyeux anniversaire

— Joyeux anniversaire, citrouille ! 

Le véritable anniversaire de Roxanne avait été célébré quelques jours plus tôt dans le réfectoire où Myrtille, accompagnée d'autres élèves lui avait apporté le plus somptueux —et coûteux —gâteau à la mûre et à l'orange qu'elle n'ait jamais vu. Or, profitant d'un dimanche serein, elle était retournée voir sa famille tandis que les deux Altesses s'étaient éclipsés au château.

— Allez souffle tes bougies ! lui intima mamie Syrane, de bonne humeur, ce qui était si rare qu'il fallait le souligner.

Roxanne inspira une grande goulée d'air et éteignit d'un seul souffle les flammèches ocre qui vacillaient au-dessus des tiges de cire. Le gâteau au chocolat, préparé par Alissa, ne demandait qu'une chose : être dégusté. L'écolière regrettait simplement que sa belle mère qui restait en retrait, son fils dans les bras, ne s'attable pas avec eux.

En ce moment, Arthus commençait à bavarder un peu, ce qui irritait la doyenne au plus haut point. D'après Rory, elle hurlait comme un babouin dès que le bébé pleurait ou gazouillait un peu. Alissa, bien sûr, ramassait ses colères.

Affichant, un sourire compatissant, la sorcière se retourna vers elle et la salua du bout des doigts. Elle lui répondit en pointant du menton la pile de cadeaux qui l'attendait de l'autre côté de la table en pin.

Le plus gros présent venait de Syrane, mais la jeune fille était prête à parier qu'elle y découvrirait un immense arbre à chats, ou un kit de brossage pour Rondin. Pour une raison inconnue, sa grand-mère s'était mise en tête que Roxanne adorait son petit chat graisseux. Gardant la mauvaise surprise pour le début, elle le déballa sans tarder.

Deux pulls apparurent, tous deux marqués d'un R pelucheux. Bingo.Le plus petit était destiné au chat, à moins que Syrane n'ait tout à coup oublié les dimensions de son premier petit fils. Quoi qu'il en soit, elle avait sous-estimé les préférences de son chouchou : Rondin risquait plus de faire ses griffes sur le vêtement plutôt que de le porter. Roxanne aussi, d'ailleurs. Elle feignit un sourire et remercia sa grand-mère d'une bise sur la joue.

Le cadeau de son père la ravit davantage. Un lot de carnets de notes et des plumes toutes neuves. Ceux qu'elle avait amené à l'école, noircis par les hypothèses au sujet de la tentative de meurtre de Fly, ne laissaient plus beaucoup de place à ses poèmes. Elle réalisa soudain qu'elle n'avait pas écrit depuis bien longtemps, terrassée par la pression des cours.

Ses amies sorcières en pâliraient d'effroi.

— A mon tour ! s'exclama Rory en tendant une enveloppe à sa petite sœur.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en y trouvant deux billets bleus, ornés de runes elfiques.

— Tu te souviens du manoir hanté à Sherwood qu'on avait toujours rêvé de visiter, enfants ? expliqua-t-il, d'une voix malicieuse.

Elle acquiesça. A la frontière du pays des sorcières et de celui des elfes, une demeure délabrée se dressait.
Auparavant, des ombrumes venues du monde entier s'y réunissaient, racontant que de sombres démons l'occupaient. Sans doute effrayés par les légendes, personne n'avait revendiqué l'habitation. Or alors que Rory n'avait que sept ans, un incident avait secoué tout le village. Un jeune sorcier avait trouvé la mort, assommé par une poutre. Les autorités avaient réagi aussitôt en décidant de rénover l'endroit, prouvant par la même occasion que les démons n'étaient que  mythes.

— Et bien, il vient de rouvrir ses portes ! L'accès est toujours en libre-service mais ne perd pas les billets tout de suite, car ils serviront à payer l'auberge que je nous ai réservé. Tout sur le thème de l'horreur et des monstres. Alors, c'est mieux qu'un vieux pull ?