Orange Mandarine

29-Détectives publics

Daphné l'avait attaquée. Elle n'avait aucune preuve : seulement des souvenirs épars, un mal de crâne lancinant et un gout ferreux dans la bouche. Autour d'elle, des fées bourdonnaient comme un essaim d'abeilles, se posant mille questions en murmures. Cela lui rappelait vaguement le jour où une fée avait été retrouvé inconsciente, en plein milieu du hall.

Cette fée, c'était Daphné. Aujourd'hui, elle l'avait attaquée.

— Poussez-vous ! brailla une voix. Vous l'étouffez !

— Roxy...

Myrtille réprima un sanglot. Elle avait couvert sa bouche de ses mains et s'était accroupi, Bunbun à ses pieds. Que faisait-il ici ? N'était-il pas parti au palais vivre son histoire d'amour ? Maintenant qu'elle y réfléchissait, la mémoire lui revint : Myrtille lui avait promis que le petit lapin serait là pour l'encourager dans ses examens. A sa manière, il se montrait toujours d'un soutien sans faille : il agita la tête, interloqué, et posa ses pattes sur le menton de sa maitresse.

Fly se pencha à son tour vers elle, il prononça des mots, un brouhaha audible mais insensé. Des sons que l'état vaseux de Roxanne ne lui permit pas de comprendre. Très vite, elle referma les yeux, épuisée et s'endormit de nouveau.

— Roc-Anne ! Maman, pourquoi elle bouze plus ?

— Doucement, mon trésor, Roxanne a eu un petit souci à l'école, mais elle va se réveiller.

Dans un glapissement douloureux, Roxanne sortit de ses songes. Arthus releva sa petite tête vers elle, hébété. Néanmoins, pour la première fois, la jeune sorcière fut incapable de répondre à la moindre de ses interrogations. Elle ignorait pourquoi on s'en était pris à elle, dans quel état elle se trouvait et qui l'avait transporté jusqu'ici, dans ce qui ressemblait à s'y méprendre au centre de soin. Est-ce que quelqu'un allait sous peu lui annoncer la date de son décès ? Avait-elle une côte cassée ? Trois ? Elle regarda ses mains, emmaillotées dans de longs bandages puis sa famille qui se partageait tant bien que mal deux sièges.

— Les fées guérisseuses nous ont dit que tu t'en tireras indemne, embraya son père en s'asseyant sur le bord de son lit.

— Mais tu as eu des soins pendant plusieurs heures hier et ...cette nuit. Ils préfèrent te garder un jour de plus au cas où, poursuivit Alissa, hésitante.

— Qui t'a fait ça ?

— Rory ! le gronda Elliot en le retenant par l'épaule, n'embête pas ta sœur avec ça pour le moment.

A travers les vitres de la chambre, elle reconnut Fly qui devait voleter de quelques centimètres pour maintenir son visage à cette hauteur-là.

— Il veut te voir, lui indiqua Alissa avant d'échanger un regard avec son époux.

— Il ne rentrera que si tu m'affirmes qu'il n'est pas responsable de ton accident, précisa-t-il et Roxanne hocha la tête, pressée de le disculper.

A vrai dire, Fly n'avait attendu aucune autorisation pour entrer dans la chambre puisqu'il passa la porte sans tarder. Tout comme Rory, il harcela la pauvre sorcière de questions. Des plus évidentes : « qui t'a attaqué ? », « comment te sens-tu ? » aux plus compliquées : « T'a-t-on jeté un sort pour brouiller tes souvenirs ? », « De quelle taille étaient ses ailes ? », « Tu penses qu'il pourrait s'agir de...tu sais qui ? ». Elle ne put répondre qu'à la seconde, et seulement parce qu'il l'avait répétée trois fois.

Elliot n'appréciait pas trop cette soudaine complicité entre eux, ni la manière qu'avait le prince d'envahir l'espace vital de sa petite citrouille alors que quelques mois plus tôt, il l'humiliait de la pire des façons. Toutefois, avant qu'il ne puisse révéler le fond de sa pensée comme le craignait sa fille, Alissa lui intima de se calmer. La rouquine n'entendit pas leurs murmures mais elle crut les deviner. Sans doute concernaient-ils le statut du prince et l'imprudence d'une insulte à son égard. Myrtille apparut à son tour, supplée d'une fée guérisseuse qui demanda aux plus âgés de sortir une minute pour signer quelques documents. Rory resta, ne serait-ce que pour les rassurer.