Malgré tout

Chapitre 6 - Léo

Je suis en retard... Je suis tout le temps en retard pour le moment. Je n'arrête pas une seconde. En général, le soir, je suis avec Sacha, ma nouvelle amie de feu hyperactive et la journée j'écris ou j'essaie d'aider Brice à décompresser.
J'ai décidé de rester à Bruxelles pour écrire, profiter de la vie, de mes amis, de ma sœur et de ma filleule qui a bien grandi.
Brice est super nerveux à l'approche de son mariage. Il a lieu dans deux semaines et il aimerait que ce soit déjà passé. Quelle angoisse tous ces préparatifs... Cela ne fait que confirmer que je ne souhaite jamais me marier.

Je suis resté pour terminer mon roman, mais hier, je me suis retrouvé coincé avec une page blanche devant les yeux et mon éditeur au téléphone. Grosse pression depuis quinze jours et je n'avance pas. La fin de mon roman me résiste.
Je n'ai même pas le temps de m'entraîner au piano ou à la guitare. La musique me manque et j'aurais bien besoin d'extérioriser tout ce qui me préoccupe grâce à elle.
Parfois, j'ai l'impression que ma tête va exploser tellement je ressens une pression sur les tempes.

J'aperçois Sacha devant le cinéma. Je ressens déjà un soulagement en la voyant. Je l'embrasse sur la joue et nous entrons pour acheter nos tickets d'entrée.
Depuis notre rencontre au bar, nous avons très vite décidé de nous voir régulièrement pour coucher ensemble.
Elle sait exactement ce qu'elle veut et ne passe pas par quatre chemins. C'est rafraîchissant et sans prise de tête.
Nous nous voyons quasi quotidiennement, mais je ne m'ennuie jamais. Je dois bien admettre que nos parties de jambes en l'air sont toujours surprenantes.
Cette sortie au cinéma est une première.

Ça vibre dans ma poche. En voyant le nom de Charlotte, je décide de ne pas ouvrir le message tout de suite. Je range mon téléphone et essaie d'effacer les pensées qui vont vers elle alors que j'ai cette magnifique rousse à côté de moi.

***

- Léo, je sais qu'on ne se voit pas depuis si longtemps, mais j'ai déjà l'impression de bien te connaître donc si tu veux me parler, je suis là.
Sacha me dit cela en voyant ma mine perplexe.

J'ai ouvert le message de Charlotte pendant que Sacha nous réchauffait une pizza.
Salut Léo, je reviens à Bruxelles vendredi pour l'enterrement de vie de jeune fille de Joyce. Est-ce que tu veux bien qu'on s'appelle pour en discuter ? Charlotte

- C'est gentil, dis-je en lui caressant la joue.
Je laisse passer un petit moment et continue :
- Je pense que je peux essayer de me confier à toi. Est-ce que tu es prête pour un long drame ?Elle note le sarcasme et s'installe à côté de moi dans son canapé.

Je lui raconte toute mon histoire avec Charlotte, absolument tout et même les sentiments que j'éprouve toujours pour elle.
Tout mon déballage terminé, j'ai l'impression d'avoir perdu un poids que j'avais sur les épaules.
Sacha me regarde avec ses grands yeux plein de compassion.
- Waouw, ça c'est une vraie histoire d'amour digne d'un roman à l'eau de rose.
Je lui lance un coussin en guise de réponse et elle se met à rire.
- Plus sérieusement, pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? demandé-je étonné par cette question.
Elle rassemble ses cheveux en un chignon, se redresse pour mieux me faire face et commence .
- Pourquoi tant de complication ? Pourquoi tant de souffrance alors que vous vous aimez si fort ? Vous êtes des monstres de fierté, ça fait un peu peur, je dois bien l'avouer.
Elle ricane en terminant sa part de pizza...froide depuis le temps que nous discutons.

- Nous sommes trop fiers c'est vrai, mais maintenant elle a rencontré quelqu'un donc il faut absolument que je passe à autre chose.
Sacha vient se poser à califourchon sur mes genoux, pose ses mains sur mes épaules et se penche un peu en arrière pour me regarder dans les yeux.
- Je veux bien être ta distraction et même ta meilleure amie de baise ou de tout ce que tu veux et, grâce à ce rôle, je peux te dire que je suis presque sûre à 100% qu'elle t'aime encore. Un amour comme le vôtre, aussi beau et fort, un coup de foudre comme peu de gens peuvent le vivre, ne peut pas s'effacer complètement et encore moins après deux pauvres années.
Je souris en l'écoutant me parler d'un amour que j'éprouve pour une autre femme pendant qu'elle est posée sur mes genoux.
- C'est une situation étrange, tu ne trouves pas ?
- Comment ça ?
- Tu es là, à me parler de mon amour pour Charlotte alors que nous allons certainement coucher ensemble d'ici quelques minutes.
Elle sourit en retour et tapote mes épaules en ajoutant :
- Oh tu sais, je reste là uniquement parce que tu fais remarquablement bien l'amour, c'est tout.
- Remarquablement bien ? Je suis un super coup, ouais.
Je la chatouille et elle éclate de rire.
Elle doit être, j'imagine, comme elle dit elle-même, une sorte de meilleure amie même si je n'aime pas poser des étiquettes sur tout.

***

J'ai enfin décidé de répondre à Charlotte grâce à la conversation que j'ai eue avec Sacha.
Elle m'a conseillé d'arrêter de me renfrogner à cause du passé et d'essayer d'aller de l'avant avec ou sans Charlotte. Mais ça, seulement l'avenir nous le dira... Si nous sommes faits l'un pour l'autre, nous nous retrouverons, dixit Sacha. Elle est plus romantique que je le pensais.

Mon téléphone sonne, son nom apparaît, mon cœur s'emballe et la nausée s'empare de moi.
- Salut Charlotte, commencé-je calmement.
- Salut Léo...
Elle souffle mon nom comme s'il était devenu une source de torture pour elle. Je me tends.

- Tu voulais me parler de la journée de Joyce, je t'écoute.
Je suis redevenu froid en deux secondes pourtant j'essaie de faire des efforts. C'est terriblement difficile pour moi d'entendre sa voix.
J'entends toutes ses idées, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir l'esprit ailleurs.
- Léo, tu m'écoutes ?
- Oui oui, pardon.
Elle continue et je peux sentir toute son excitation pour cet enterrement de vie de jeune fille. J'ai l'impression qu'elle a envie de profiter de cette occasion pour vivre ce genre de soirée à fond puisqu'elle ne souhaite pas se marier.
Cela me fait penser que j'ai encore pas mal d'appels à passer pour la soirée de Brice.

Nous nous mettons d'accord de faire cela en même temps afin que l'esprit de Joyce soit occupé sur autre chose que la journée de débauche de Brice.
- Merci d'avoir discuté avec moi, me dit-elle.
Je suis surpris par ce remerciement. Je ne dis rien et elle raccroche.

Le vide qui avait disparu en l'écoutant me parler se remet en place au plus profond de mon cœur.
J'envoie un message à Sacha : 
Dans 30 minutes, chez toi ?
Sa réponse ne se fait pas attendre.
J'y suis déjà, je t'attends.
Je pars rejoindre ma voiture et la seule chose que je souhaite maintenant c'est m'envoyer en l'air pour combler ce vide.

Sacha m'attend patiemment à la porte, je monte les marches quatre à quatre et lui saute littéralement dessus. Elle s'agrippe à mon cou et nous nous embrassons hâtivement. Elle enlève mon t-shirt, mais je m'arrête net.
- Je ne peux pas évacuer ma frustration avec toi comme ça...
Elle me regarde de ses yeux emplis de questions.
- Tu veux qu'on en parle ?
Elle a compris. J'acquiesce en guise de réponse.

Je m'installe dans son canapé, les mains recouvrant mon visage. Je suis en train de faire n'importe quoi.
Un long moment silencieux passe avant que je n'ouvre enfin la bouche.
- Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi.
- Je ne tomberai pas amoureuse de toi si c'est ça qui t'inquiète.
Je la regarde enfin et je l'invite à continuer.
- Je t'adore, Léo, vraiment et j'adore coucher avec toi, mais je ne pourrais jamais accepter le fait d'être ta copine de remplacement. Je vaux bien mieux que ça.
- C'est certain ! répondis-je directement.
- Je te propose deux options. Soit on continue à coucher ensemble et nous restons bloqués dans cette situation, soit on se bouge tous les deux en ne gardant que notre amitié.

Je fais semblant de réfléchir en posant mes doigts sous mon menton. Cela a le don de la faire rire.
- Coucher avec toi est vraiment divertissant, mais tu as raison, il faut qu'on avance.
Nous nous faisons un check en guise d'accord.
- Par contre, tu m'as chauffé en débarquant comme ça chez moi donc je propose tout de même que nous ne restions pas sur cette frustration.
- Une dernière fois alors ?
- Une dernière fois.