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Lundi, 3 avril 2023.
Douala, Cameroun.
*** Lynn Djandjo ***
Je n'y crois toujours pas. Guillaume est là dans mon salon, assis à ma table et mangeant ma nourriture. Si on me l'avait dit, je n'y aurais pas cru. Après notre dernier échange peu sympathique au restaurant, j'étais certaine qu'il ne chercherait plus jamais à me revoir, qu'il m'oublierait, qu'il me haïrait. Mais il est là, par je ne sais quel miracle et bavarde avec mon fils comme si de rien n'était. C'est la dernière chose à laquelle je m'attendais pour cette soirée. Pour être une surprise, c'en est vraiment une, et elle n'est pas que bonne. D'une part, je suis bien évidemment contente de le voir là, et je ne le cache pas. Il s'entend bien avec mon fils et plaisante avec nous sans tenir compte du degré de pauvreté qui l'entoure et auquel il n'est certainement pas habitué. Il a même apprécié mon repas. Ce n'est peut-être pas la première personne qui le fait, mais venant de lui, c'est encore plus plaisant.
Paradoxalement, je me surprends à réprimander mon amie, à la véranda, pour l'avoir fait venir sans me prévenir. La maison n'était pas assez rangée, et moi, j'avais l'air d'une folle, d'une vieille veuve avec des cernes et des larmes séchées sur mes joues. J'avais un simple démembré et un pagne noué autour de mes hanches lorsqu'il est entré. C'est grave. Je ne serais jamais allée à l'un de nos rencards dans cet état, avec ces vieilles nattes sur la tête, sans perruque, habillée ainsi. J'ai toujours été sur mon trente-et-un toutes les fois où l'on s'est vus, alors j'ai de quoi être gênée de le voir dans mon taudis.
Sandra ne semble pas s'en soucier, puisqu'elle ne cesse de se moquer de moi, alors que je guette de temps en temps par la fenêtre mon prétendant et mon fils qui semblent avoir une discussion des plus intéressantes. Je me demande bien ce qu'ils se disent.
En face de moi, mon amie me taquine toujours. Elle s'amuse à commenter l'apparence et le comportement de notre invité. Elle le trouve « charismatique et galant ». Ce n'est pas moi qui dirais le contraire.
Notre échange prend aussitôt fin lorsque la porte s'ouvre sur les deux hommes qui partagent notre soirée. Ils sont tout souriants lorsqu'ils nous rejoignent. Pour ma part, la gêne s'installe aussitôt. Sachant que je devrai le raccompagner, je me doute bien que notre échange ne se limitera plus aux vœux d'anniversaire.— Vous nous quittez déjà, Monsieur Nyemb ? Demande Sandra, sans gêne.
— Oui Sandra, répond-il de sa voix grave qui me fascine toujours autant. J'ai une dure journée qui m'attend demain.
— D'accord je vois. Revenez nous voir très vite, ajoute-t-elle tandis que j'écarquille les yeux de stupéfaction.
— Je n'y manquerai pas, si Lynn me le permet, dit-il en me fixant.
Je reste encore silencieuse pendant quelques secondes, ne trouvant pas quoi dire, car surtout gênée par la présence de mon fils et de ma voisine. Je finis tout de même par articuler quelques mots.
— Je... je te raccompagne. Tu es venu en voiture ?
— Oui, elle est juste là haut.
— D'accord.
Malgré la pénombre, j'arrive à voir le sourire moqueur de mon amie se dessiner. J'essaie de ne pas en faire cas, car déjà assez stressée, comme ça. Guillaume et moi descendons en silence et quittons la concession. Je fais mine d'observer les maisons du quartier, que je connais pourtant bien en marchant à ces côtés. Je sens son regard sur moi, mais j'essaie de l'ignorer. Je suis bien consciente que nous avons à nous dire, mais je ne sais par où commencer. J'ai des tas de questions à lui poser. Comment a-t-il fait pour se retrouver là ? Pourquoi ? Est-ce qu'il est toujours fâché contre moi ? Qu'est-ce qu'il compte faire ?
Mes interrogations me brûlent les lèvres jusqu'à ce que nous arrivons à sa voiture, quelques mètres plus loin.
Ce maudit silence règne toujours au moment où il s'adosse sur son véhicule. C'est une assez belle bagnole, luxueuse bien entendu et d'un beau noir que j'arrive à distinguer grâce au lampadaire de notre ruelle. Je ne m'y connais pas en terme de voiture de luxe, mais je sais que celle-ci doit coûter cher.
Toujours adossé sur ce beau véhicule, les bras croisés, Guillaume me regarde, d'un de ces regards qui me paralysent. Ne sachant pas quoi faire, je décide de rentrer, même si je ne devrais pas.

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Supplice...
Художественная прозаJ'ai peut-être perdu ma dignité, mais si cela me vaut le bonheur de mon fils, je ne regrette rien... Ryan est ce que j'ai de plus cher au monde, mais en me regardant dans la glace je ne cesse de m'interroger : Réussira-t-il à me pardonner quand il s...