Chapitre 9

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Samedi, 25 mars 2023.

Douala, Cameroun.

*** Ryan Djandjo ***


C'est aujourd'hui qu'a lieu le mariage traditionnel de la tante de Jordan. C'est l'étape de la dot où le fiancé apporte des présents à la famille de la femme pour avoir la bénédiction du chef de famille et ainsi créer une véritable alliance entre les deux familles sur le plan traditionnel. Chez le peuple Grassfield, duquel je suis moi aussi originaire, cette cérémonie se déroule le plus souvent dans la nuit et auprès du chef de famille.
Pour cet événement, Cabrel et moi sommes venus donner un coup de main, sans toutefois avoir à y assister plus tard, puisque nous ne sommes pas tellement proches de la famille. Depuis cet après-midi, nous aidons au nettoyage et au rangement dans la grande maison familiale de la mariée. En plus du travail que nous avons eu à faire au garage, les tâches sont assez épuisantes, mais comme toujours le temps passe vite en compagnie de mes deux fidèles compagnons avec qui les discussions sont toujours intéressantes. Tout en rangeant les tables dans la grande cour, sous les tentes, nous écoutons Cabrel nous raconter comment cet événement se déroule dans leur tribu et je suis à la fois émerveillé et curieux de découvrir de telles cultures, surtout que moi je n'ai jamais eu l'occasion d'en profiter. C'est pourquoi j'insiste auprès de Jordan pour qu'il prenne des photos ou des vidéos et qu'il me raconte ensuite. Mais il ne semble pas croire que j'y sois réellement intéressé.

- Tu es sérieux ? S'étonne-t-il.

- Oui, j'acquiesce. Je n'ai jamais assisté à de tels événements. D'ailleurs, tu sais même que je ne suis jamais allé dans mon village.

- Ne pas connaître son village, c'est un crime Ndjan, dit Cabrel.

- Si seulement c'était de ma faute. Je sais seulement que je suis un Bamiléké du Ndé, le reste là je ne sais pas. Ma mère m'a tellement tourné que je suis fatigué de demander.

- Mais est-ce que tu es petit pour y aller seul ? Demande Jordan.

- Je ne sais même pas exactement de quel village je suis eh. Elle dit qu'on a plus de famille, ni de maison là-bas et tout un tas de choses du genre...

- Même jusque-là ce n'est pas normal, insiste-t-il.

Je lâche indiscrètement, un léger soupir d'exaspération, lasse de cette situation. J'ai l'impression d'être un acculturé à côté de mes amis qui parlent si bien leurs langues maternelles alors que moi je ne sais même pas où se trouve mon village. Pourtant j'aurais aimé vanter ma terre comme le font les autres, y aller chaque vacances, assister aux réunions de famille. Mais c'est sans compter sur ma mère qui ne m'a jamais réellement parlé de mes origines. Je sais juste qu'elle est orpheline et mon père... je ne sais pas grand-chose de lui, à part son nom. Mon existence est tellement triste...

- Tu blagues, un jour tu vas épouser ta sœur, ajoute Cabrel en riant.

Bien que troublé, je le rejoins dans son rire avec mon ami, tout en sachant qu'il a raison.

- Jordan, appelle une jeune fille en venant vers nous alors que nous rions encore. Bonsoir à vous.

Nos rires s'estompent automatiquement et nous lui prêtons toute notre attention et moi particulièrement. Il faut dire qu'elle est vraiment jolie. C'est une jeune fille à qui je donnerais tout au plus dix-huit ans, à en juger sa taille fine et son visage d'ange. Sa peau ébène va tellement bien en accord avec sa longue chevelure naturelle et touffue, tressée en un chignon. Son visage est fait de fins traits, contrairement à son corps qui n'y va pas de mains mortes en terme de formes, lesquelles sont mises en valeur dans son pantalon moulant. C'est exactement un cas où l'on doit dire qu'elle est dessinée comme une guitare. Je dois avouer que je suis sous son charme.

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